Hier, Niki Lauda aurait fêté ses 72 ans. Son ancien collègue chez Brabham, Gordon Murray, n’a pas oublié son anniversaire. Il a même dédié au triple champion du monde sa toute dernière création, la version extrême de ce qui promet déjà d’être la supercar la plus racée du marché. Veuillez accueillir la GMA T.50s Niki Lauda.
Pour faire court, c’est la version dédiée à la piste de la T.50. Produite à 25 exemplaires, elle sera plus légère, plus véloce et développera plus d’appui que la T.50 « standard. » Elle sera aussi 100 % moins légale sur la route. Vous pensez connaître la chanson avec les Ferrari FXX-K, McLaren Senna GTR (autre hommage posthume à un triple champion du monde, tiens, tiens) et autres Brabham BT62 ? Selon Gordon Murray, rien à voir : du haut de ses 3,1 millions de livres hors taxe (3,6 millions d’euros), la T.50s est bien plus qu’une T.50 avec des gros ailerons et des pneus slick.
Commençons par le moteur. Apparemment, le professeur Murray a estimé que le V12 Cosworth atmosphérique de tous les records qui anime la T.50 originelle n’était pas assez violent pour cette nouvelle bête de circuit. Réciproquement, il peut aussi se permettre des choses impossibles sur une voiture de route…
Le V12 3.9 a donc été allégé de 16 kg, bondit encore plus vite jusqu’au rupteur à 12 100 tr/min, et développe à présent 711 ch au lieu des 663 de la T.50 grâce à des culasses et des arbres à cames redessinés, et un taux de compression revu à la hausse. Il débouche sur un échappement en inconel aux parois amincies, presque dépourvu de silencieux. La bande-son promet de rappeler les plus grandes heures de Lauda et Murray en F1.
Plus de puissance, mais aussi moins de poids. Gordon Murray s’est débarrassé du baquet passager de droite. Il reste donc toujours de quoi emmener une victime à gauche (rappelons que la T.50 standard est une triplace à cockpit central comme sa mère spirituelle, la McLaren F1). Il a aussi mis à la poubelle les insonorisants et le système infodivertissement. La nouvelle reine des pistardes revendique 852 kg. C’est 134 kg de moins que la T.50, déjà incroyablement légère aux standards de l’époque. Et presque un quintal de moins qu’une Lotus Elise actuelle, avec trois fois plus de chevaux et deux fois plus de tr/min…
Normalement, c’est à ce moment-là que vous commencez à sentir les poils de vos bras lancer une ola. Toujours pas ? Essayons autre chose : la T.50s pèse presque DEUX FOIS MOINS qu’une météorique 911 Turbo S, avec 60 ch de plus. Ouch.
Ce n’est pas tout. La monocoque en fibre de carbone a été revue, la transmission est entièrement nouvelle. Adieu boîte manuelle, bonjour boîte séquentielle Xtrac avec palettes au volant. On pourra opter pour un étagement standard (et une vitesse de pointe comprise entre 320 et 340 km/h) ou court (273 km/h), pour régler leur compte même aux tourniquets les plus retors.
Les seuls éléments de la T.50 qui ont survécu sur cette version S sont les optiques, les freins et… c’est tout. Même le fameux ventilateur arrière (hérité de la mythique Brabham BT46B fan car pilotée il y a quarante ans par Lauda) a été modifié pour fonctionner désormais exclusivement en mode High Downforce à 7 000 tr/min.
Paradoxalement, Murray souligne que ce Graal de track-day n’est pas uniquement une chasseuse de chronos. De même que la T.50 de route privilégie les sensations de conduite aux performances chiffrées, la S est conçue pour être facile à appréhender. Une lettre d’amour au pilotage sur circuit plutôt qu’un contrôle de maths.
Evidemment, à voir tout cet arsenal aérodynamique, c’est difficile à croire. Il n’empêche. Pendant la conception sur ordinateur, l’équipe responsable du développement de la lame avant, de la dérive dorsale, des entrées d’air latérales, du diffuseur et de l’énorme aileron arrière avaient calculé que l’ensemble produirait 1 900 kg d’appui, ce qui est colossal. Mais à cause de l’effort auquel auraient été soumises la direction et la suspension, et pour que la voiture ne devienne pas trop délicate à piloter, Gordon Murray a décrété qu’il fallait diminuer l’appui à « seulement » 1 500 kg.
Et il n’y aura même pas besoin d’avoir son propre commando de mécanos à disposition pour s’en servir. Pour inciter les 25 heureux propriétaires à sortir la bête comme elle le mérite et à découvrir ce qu’elle a dans les tripes, tout a été fait pour simplifier son utilisation. Contrairement par exemple à une Ferrari 599XX, ils auront même la possibilité de la stocker dans leur propre garage plutôt qu’à l’usine. Trop aimable.
« À mes yeux, il était primordial que la T.50s Niki Lauda soit facile à vivre et à apprécier, insiste Gordon Murray. Vous serez en pleine possession de la voiture et vous pourrez choisir comme bon vous semble où et quand en profiter. Ma vision des choses, c’est que que les propriétaires l’emmèneront sur un circuit, vérifieront la pression des pneus, s’installeront à bord, mettront le contact, et s’amuseront. C’est comme ça que ça devrait se passer. »
Le perfectionnisme proverbial de Murray est ici doublé d’une bonne dose de nostalgie. En plus de l’hommage à Lauda dans le nom de la voiture, chaque châssis sera baptisé d’après une victoire d’une voiture de Murray en Grand Prix. La première T.50s sera ainsi la Kyalami, d’après la piste sud-africaine où Murray a décroché son premier succès en 1974 (avec la Brabham BT44 de Carlos Reutemann). Il y aura inévitablement une Anderstorp, du nom du circuit suédois où Lauda a fait triompher la BT46B en 1978.
Joyeux anniversaire, Niki.