La NASCAR est de retour !

Selon vous une course sans contact, n’est pas une course, votre film préféré est Jours de Tonnerre et la sonnerie de votre réveil est un speaker qui hurle “Gentlemen, start your engines !” ? Pat Angeli et Philippe Chéreau vous donnent rendez-vous tous les dimanches sur Automoto La Chaîne !

| Publié le : 19 février 2022

La saison 2022 de la NASCAR vient de reprendre aux États-Unis et sur Automoto La Chaîne avec, au micro, les deux commentateurs iconiques, Pat Angeli et Philippe Chéreau. Cela fait 20 ans que ’ils suivent la NASCAR et le sport mécaniue U.S. en général et, de toute évidence leur passion est absolument intacte.

TopGear : Pour vous, en une phrase, la NASCAR, c’est quoi ?

Philippe Chéreau : (sans hésitation) Le show à l’américaine.
Pat Angeli : Ouais, pas mieux… J’ajouterais quand même mi-course automobile, mi-spectacle.

TG : Sans que l’un prenne le pas sur l’autre ?

PA : C’est quand même plus une compétition. Comme le dit Philippe, c’est pas du catch, il n’y a pas de scénario préétabli. Là, il y a quand même une compétition, un championnat, des rivalités. Sauf que c’est desAméricains…
PC : Oui, c’est ça. On reste bien dans l’univers du sport mécanique, mais avec le show à l’américaine. Si les gens aiment la NASCAR, en France ou à travers le monde, c’est pour la compétition mais aussi pour l’esprit américain. Il y a quand même encore pour certains ce rêve américain, ce côté qu’on aime bien, la bannière étoilée, la façon de mettre en scène comme eux seuls savent faire. Avec parfois plus ou moins… de goût. Mais c’est ça le show à l’américaine. Toutes les décisions qu’ils prennent en termes de course, au-delà de la réglementation technique – et encore… – sont faites pour. Pour que le show soit bon, il faut que les éléments soient réunis, ce qui veut dire du monde dans les tribunes, du monde sur la piste, de la compétition et de la rivalité.

TG : Est-ce que le business, et notamment les sponsors, prend le pas sur la compétition ?

PA : Non, mais c’est partie intégrante de ce sport, comme dans tous les sports mécaniques, ça existe grâce aux sponsors. Mais ça ne prend pas le pas sur le sport ou le spectacle. Nous, ça ne nous dérange pas, mais ce sont surtout les commentateurs aux États-Unis qui ne disent pas « Il va mettre du carburant » comme on le dit nous. Eux disent « Il va mettre du Sonoco fuel ». Ils le disent comme ça parce que c’est dans leur culture…
PC : … et dans leur contrat aussi !
PA : Nous, non. Et les pilotes ne disent pas « Sur ma voiture » mais « Sur ma 18 M&Ms Toyota ». Mais nous, on ne commente pas comme ça.
PC : Et il ne faut pas oublier que pendant des années la division 1 de la NASCAR était la Winston Cup [dès 1971, NDLR], après ça été la Nextel Cup, puis la Sprint Cup et la Monster Energy Cup. On est passé de l’ère des cigarettiers à l’ère des téléphones, puis des boissons énergisantes. Tout ça va avec l’économie et on retrouve en sponsor titre, puisque c’est ce qui coûte le plus cher, les entreprises les plus florissantes. Donc à chaque décennie, son secteur d’activité.
PA : Le sport automobile est un sport extrêmement cher, il y a des millions de dollars en jeu et c’est, de plus en plus, le nerf de la guerre.
PC : À l’origine, tout ça est né de la rivalité entre les pilotes qui ramenaient illégalement de l’alcool frelaté depuis le Canada vers le sud des États-Unis pendant la prohibition. Et Bill France a eu cette idée géniale d’en faire des courses, qui étaient off dans un premier temps, sur la plage de Daytona, avant d’en faire cette association qui est devenue la NASCAR. C’est après, quand les constructeurs sont arrivés, que l’on a commencé à savoir quel était le modèle le plus rapide, le plus puissant, le plus performant, etc. Et c’est comme ça qu’on en est arrivé, dans les années 70, à cette idée à l’origine de tout qui veut que la voiture qui gagne le dimanche, on va l’acheter le lundi matin chez le concessionnaire.

TG : Peut-on suivre la NASCAR même si on n’y connaît absolument rien ?

PA : C’est même le but du jeu, et ça nous fait plaisir. On a créé avec Philippe, il y a des années, une page Facebook qui compte maintenant 30 000 personnes parce que pour nous, la NASCAR, c’est comme un programme télé entre potes le dimanche soir. Il y a même – et ça nous rend fiers – beaucoup de femmes maintenant, qui ont vu que c’est du spectacle et surtout que ce sont des histoires de pilotes plus que de mécaniques. Nous, Philippe et moi, on n’est pas venus du sérail de la NASCAR, donc on commente un peu comme si on était les potes des gens. On fait des blagues, on raconte que untel déteste tel autre et qu’il va se venger d’une crasse de la dernière fois plutôt que de dire qu’il y a 1 cm de différence de réglage entre deux voitures. On peut en parler aussi, mais si on était trop techniques, peut-être qu’on perdrait des gens. Là, on essaie d’avoir des gens qui sont là en famille, comme les Américains, et on essaie de leur offrir un spectacle.
PC : Ça, c’est parce qu’on vient de médias différents et notre idée est de démocratiser, bien expliquer comment ça se passe. Avant même Facebook, on avait déjà réussi à créer de l’interactivité avec un site Internet. Quand les réseaux sociaux sont arrivés, ç’a été pour nous quelque chose d’exceptionnel. Et aujourd’hui, on n’hésite pas à répondre en direct aux gens qui nous posent des questions, qu’elles soient techniques ou people, parce que ça fait partie du jeu. Et à côté, on a une communauté qui va éviter qu’on soit trop sollicités à l’antenne et qui va répondre directement à des questions basiques, comme sur le règlement. Il y a des trucs basiques que l’on rappelle de temps en temps, parce que c’est aussi notre job. Mais pour certaines questions basiques, on a la chance d’avoir une communauté très bienveillante et accueillante, à la différence d’autres qui ont tendance à se replier sur elles-mêmes et à rejeter les nouveaux. Comme le dit Pat, l’ambiance est familiale.

TG : Est-ce qu’il y a plus de stratégie en NASCAR qu’en Formule 1 ?

PA : Comme l’a dit Philippe, la NASCAR est beaucoup moins technologique. La Formule 1, c’est vraiment le summum de la technologie, au point que, parfois, les gens s’en plaignent. Sauf peut-être depuis le fameux documentaire Netflix qui a un peu humanisé les gens. Sinon, avant, c’était des pilotes casqués avec des voitures qu’on cachait, dont il ne fallait pas voir le moindre détail. En NASCAR, dans les garages, on croise des gens du public, on croise des fans. C’est incroyable, ils ont tout compris, ils sont open, ils laissent les gens venir, ça n’a rien à voir. D’ailleurs, les pilotes français partis aux États-Unis sont surpris par la convivialité des équipes qui vous accueillent. C’est vraiment fait dans l’esprit « Vous êtes des fans, soyez les bienvenus ». Et tous les dirigeants de la NASCAR le disent : « On est là pour les fans, par les fans. » S’il y a 80 000 ou 100 000 personnes sur les circuits, c’est qu’ils y trouvent leur compte. C’est beaucoup moins pointu que la F1, c’est technique, c’est technologique, mais ça reste quand même du show, et des rivalités, et de la stratégie plutôt que de la technique pure.
PC : Dans l’équipe, il y a un chef mécano qui est un fin stratège et qui a un rôle très important. D’ailleurs, c’est comme ça que Jimmie Johnson a gagné sept titres, c’est parce qu’il avait un gars qui ressentait très bien les courses. Et tu peux avoir un gars qui gagne parce que… bah ! il a un peu de chance. Il prend le risque de continuer à rouler alors qu’il est censé tomber en panne sèche, parce que selon les calculs, il n’a plus de coco. Il ne s’est pas arrêté lors du dernier pit général, et finalement il gagne. Et à l’inverse, tu en as qui ont course gagnée et qui tombent en panne d’essence dans le dernier tour, ou un pneu qui éclate dans le dernier virage, comme Larson la saison dernière à Pocono. Mais oui, il y a des stratégies qui peuvent faire gagner.

PA : Mais ce qu’il ne faut pas oublier, c’est qu’au-dessus de la stratégie, en NASCAR, les contacts sont autorisés. Et c’est de là que naissent toutes les rivalités. Quand il y en a un qui se fait mettre dans le mur, quinze jours après il ne pense qu’à une chose, c’est retrouver le mec sur le circuit. Et ça, c’est vraiment le nerf de la guerre en NASCAR. Il y a des pilotes qui ne peuvent pas se blairer, il y en a qui sont connus pour être agressifs, donc personne ne peut les blairer parce qu’ils dégagent tout le monde dès qu’ils en ont l’occasion. On nous demande souvent, sur notre page Facebook, si c’est autorisé. Le truc, c’est qu’il n’y a pas de règlement précis. On a le droit de pousser, on a le droit d’avoir un contact, c’est même conseillé parce que ça fait le show et ça fait vendre des places, mais jusqu’à une certaine limite. La limite est un peu floue, mais ça fait vraiment partie de la NASCAR.

TG : La saison compte 36 courses, donc près d’une course par semaine. Comment arrivent-ils à suivre ce rythme ?

PC : C’est un art de vivre. Très peu de pilotes européens s’y sont essayés et pour ceux qui ont tenté, c’était compliqué. Sans trahir de noms, je sais que certains pilotes qui ont fait carrière dans d’autres sports mécaniques, comme la monoplace, ont eu des opportunités pour faire la NASCAR et ce qui a bloqué, c’est ça, c’est le rythme. Notamment familialement. Parce que c’est 36 courses par an, mais au final c’est toute l’année. Il y a aussi les essais d’intersaison. Quand tu gagnes, tu dois aller représenter les sponsors, les sponsors perso, les sponsors de l’équipe, les sponsors du constructeur. Donc tu passes ta vie en vadrouille et les mecs se déplacent en avion parce que… bah c’est aux États-Unis, c’est grand. Au final, si tu as deux, voire trois jours maximum de repos dans la semaine, c’est déjà très bien. Donc c’est une vie de NASCAR. En revanche, comme c’est moins exigeant techniquement et athlétiquement parlant que la monoplace, il y a des pilotes un peu moins jeunes, un peu moins affûtés. Ce qui ne veut rien dire puisque pour la Race Of Champions, le truc référence où on mélange tout le monde pour savoir qui est le meilleur, les pilotes de NASCAR n’ont jamais été mauvais. Au contraire, ils ont toujours été là.
PA : Alors OK, peut-être que les pilotes prennent moins de G qu’en monoplace, mais les gars roulent à 320 km/h pendant 3 heures dans des berlines de 1,5 tonne dans lesquelles il fait souvent 50 ou 60 °C… Si t’es pas préparé physiquement, tu ne fais pas la saison ! Ça n’est pas donné à tout le monde.

TG : La NASCAR tente aussi de faire sa révolution au niveau des circuits.

PC : La majorité des courses se courent dans le sud des États-Unis parce qu’historiquement c’est le berceau de la NASCAR, mais ils cherchent à remonter au nord et à aller à l’ouest, d’où la course du Clash, sorte de course exhibition qui s’est tenue à Los Angeles avant le vrai début de saison à Daytona.
PA : Oui, depuis quelques années, il y a Phoenix, Vegas, maintenant l’ouest, on y est. Les organisateurs parlent aussi de plus en plus d’aller dans les villes. On parle de Detroit, New York, etc. Avant, il y avait un ou deux circuits routiers, maintenant il y en a six ou sept. Ils essaient aussi de varier les ovales entre les short-tracks – les petites pistes – et les pistes géantes comme Daytona. Donc chaque semaine, c’est de plus en plus varié.
PC : Et ça permet aux pilotes d’avoir un peu plus de légitimité internationale, ce qui passe aussi par des circuits qui ne soient pas que des ovales. En réalité, les Américains ne sont pas fous des ovales. Quand tu regardes des courses qui ont lieu sur des circuits moitié oval-moitié routier, en utilisant l’infield : la piste intérieure au centre qui sert entre autre pour les courses de GT ou d’endurance, on avait d’ailleurs diffusé sur AutoMoto La Chaîne les 24 Heures de Daytona – les arrivées sont ultra disputées. Mais d’un autre côté, les Américains aiment bien l’ovale parce que, où que tu sois dans les tribunes, tu vois tout. Ça n’est pas comme dans d’autres disciplines où tu ne voies qu’un virage et le reste sur des écrans. Mais c’est vrai qu’aujourd’hui on veut une internationalisation et ça passe par des circuits un peu plus pluridisciplinaires.

TG : Quelles sont les spécificités techniques des voitures ?

PA : À l’origine, on parlait donc de stock car, ce qui veut dire des voitures d’origine trouvables dans le commerce, et évidemment, en se professionnalisant, ça c’est amélioré et il y a eu différents constructeurs. En attendant le retour possible de Dodge l’an prochain, cette année il y en a trois : Toyota avec la Camry TRD, Ford avec la Mustang GT et Chevrolet avec la Camaro ZL1. Et cette saison, il y a une nouvelle génération de voiture. C’est la septième, la Gen7 ou Next Gen, avec un V8 5.9 atmo de 670 ch prévu pour pouvoir être hybridé à l’avenir.

Chevrolet Camaro

Toyota Camry

Ford Mustang

PC : Et la boîte 4 en H laisse la place à une boîte séquentielle 5 rapport. Pour cette Next Gen, il y a un seul fournisseur pour les suspensions, un fournisseur pour les freins, un fournisseur pour le châssis, un châssis tubulaire auquel ils sont attachés. Et bien sûr, ce que les constructeurs gardent, c’est le moteur et les réglages. Et pour la carrosserie, en carbone aujourd’hui, elle va reprendre au plus proche la carrosserie des modèles de série. Le but est de se rapprocher des origines, quand on allait acheter le lundi la voiture qui avait gagné le dimanche.

TG : Pour lancer cette saison, nous avons appris une bonne nouvelle, la présence de Jacques Villeneuve avec le Team Hezeberg a été confirmée à Daytona.

PA : Pour ma part c’est un plus évident pour nous car les téléspectateurs français le connaissent bien, les plus jeunes seulement en tant que commentateurs de la F1 mais tout de même.

Un champion du monde de F1 et ex vainqueur de l’Indy 500 C’est quand même un événement.
Et puis, c’est un peu le rêve américain de pouvoir faire le Daytona 500 à 50 ans…
En plus nos fidèles nous demandent souvent s’il y aura bientôtun français en Cup Serie et, sans être français, Villeneuve est francophone. Il aura pas mal de fans dimanche même si ce sera difficile car il a une petite équipe et il n’a pas piloté en Cup depuis 2013.

TG : Le champion de la saison précédente, Kyle Larson, est-il le favori de cette année ?

PA : En tout, il y a une cinquantaine de pilotes mais ils ne courent pas tous toute la saison. Sur la trentaine de pilotes qui font toute la saison, il y en a une dizaine qui peuvent être champions. Et là, oui, le favori est le champion de l’année dernière parce qu’il a vraiment dominé la saison. D’habitude, le champion peut remporter six ou sept courses ; là, il en a gagné dix, ce qui ne s’était pas vu depuis quelque chose comme 25 ans. Mais même s’il est favori, il n’est pas ultra-favori non-plus. C’est pas Nadal à Rolland Garros. C’est dispatché entre les trois grosses écuries et il y en a une dizaine qui peuvent être champions.

PC : Pat a raison, Larson reste favori parce qu’il a une qualité de pilotage extraordinaire, il est très doué. Mais d’un autre côté, on ne sait pas du tout comment cette nouvelle voiture va se comporter. On a déjà vu quelques avaries ou des surchauffes, et ceux qui vont s’en sortir sont ceux qui vont rapidement trouver les solutions avec ces Gen7.
PA : On a connu des périodes de dominations avec Dale Earnhardt dans les années 70, Jeff Gordon dans les années 90, Jimmie Johson dans les années 2000 qui ont gagné quatre, cinq, six ou sept titres, maintenant c’est beaucoup moins ça. Maintenant, ils ont un ou deux titres maxi.

TG : Puisqu’on parle de titres, c’est votre vingtième saison tous les deux, est-ce que vous allez fêter ça ?

PA : Il faut demander à la chaîne ! Nous, on fait le taf et on ne s’est même pas rendu compte que ça faisait 20 ans, ça passe tellement vite.
PC : Tu sais, c’est comme les vieux couples. On ne sait plus vraiment depuis combien d’années on est ensemble. Et puis avec Pat, ça passe tellement vite. Nous, on se connaît depuis presque 40 ans. On se voit toutes les semaines et j’ai plus voyagé avec Pat qu’avec ma femme. D’ailleurs, je le vois plus que ma femme, parfois. Nous, on va fêter ça de manière amicale. On sait que c’est pas éternel, mais tant que ça dure, on est hyper contents.

Retrouvez la NASCAR avec Philippe Chéreau et Pat Angeli tous les dimanches à partir de 20 heures sur Automoto La Chaîne !

 

Top Gear
Newsletter

Recevez les dernières news, tops et exclusivités sur votre adresse e-mail.

Je m'inscris