Comment conduire une Ferrari F40
Spoiler : en faisant très attention. Notre guide pour dompter une oeuvre d'art parfois soupe au lait.
Qu’est-ce qu’une Ferrari F40 ?
Une supercar à laquelle on pense sans doute plus souvent qu’aux autres. Déjà parce qu’elle figure très haut dans le panthéon des voitures de sport, sinon au sommet. Mais aussi parce qu’elle a un peu fait parler d’elle ces derniers temps.
Peu d’autos ont une réputation plus formidable que la F40. Gerhard Berger, qui pilotait pour la Scuderia en 1987, estimait qu’elle était « très facile à conduire… si vous avez de l’expérience avec les voitures de course ». L’Autrichien était connu pour être un blagueur invétéré. Mais là, il était très sérieux.
Comment appréhender la F40, alors ?
Cette voiture accélère comme une furie (vous voyez Taz dans les Looney Tunes ?). Selon l’action de votre pied droit, ses deux turbos IHI susurrent, soufflent, sifflent, soupirent, comme une petit voix pousse-au-crime. Ferrari utilisait des turbines KKK en F1 mais estimait que les IHI étaient plus faciles à exploiter sur la route. On ose à peine imaginer ce que ça devait être sur les F1…
La F40 n’est pas une voiture de course et n’a pas été conçue initialement pour en être une, contrairement à sa devancière la 288 GTO. Elle exhale toutefois un puissant parfum de compétition, ne serait-ce que par son bruit et son comportement. Elle demande de la poigne mais aussi une certaine délicatesse. Ce n’est pas une voiture que l’on jette sans scrupule dans les virages (sauf bien sûr si l’on s’appelle Henri Pescarolo, Jacques Laffite ou Alain Prost) mais, comme les autres Ferrari à moteur central arrière, il faut quand même lui montrer qui est le patron. Il n’y a pas de place ici pour la sensiblerie.
Véritable mot d’ordre de cette voiture, le minimalisme se ressent aussi dans la façon dont elle se meut. Ni la direction, ni les freins ne sont assistés, l’embrayage est lourd, mais elle est tellement légère et agile qu’on l’oublie vite. Et par rapport à n’importe quelle supercar moderne, le degré de ressenti qu’elle offre et l’engagement qu’elle demande sont vraiment addictifs.
Que se passe-t-il quand on hausse le rythme ?
La direction prend vie. Elle communique merveilleusement, même si la position de conduite elle-même est assez étrange. Comme pour tout le reste, il faut y aller franco pour passer les rapports efficacement. Très vite, on est en osmose avec la voiture, épaté par son immédiateté et sa transparence en toutes choses. Si le châssis est ultrarigide et le niveau sonore éprouvant, la suspension se révèle étonnamment prévenante.
C’est surtout la réponse des turbos qui occupe l’esprit. Même sur route sèche, la F40 a vite fait de punir l’étourdi ou le présomptueux. Sur le mouillé, toi qui entre ici, abandonne tout espoir.
Notez que c’est à côté d’une F40 que Sir Lewis Hamilton a choisi de poser pour son premier jour chez son nouvel employeur. Apparemment, c’est sa voiture préférée. Respect.
De quoi est-elle faite ?
La F40 s’inspirait des F1 contemporaines avec des panneaux de Kevlar thermocollés sur un châssis tubulaire en acier. Les portières, le capot avant et le capot moteur sont en fibre de carbone. Gordon Murray a raconté l’avoir étudiée et avoir été frappé par la simplicité de sa construction. C’est probablement un euphémisme, en plus d’une raison supplémentaire d’éviter de sortir de la route avec. En 1987, vos genoux étaient toujours considérés comme faisant partie des structures déformables…
La planche de bord est elle aussi incroyablement sommaire, avec juste un combiné d’instrumentation basique et rien d’autre. Pas d’autoradio. À quoi bon ? Vous êtes déjà branché en permanence sur Whoooosh FM.
Parlez-moi de ce V8 biturbo.
Connu en interne sous le nom de F120A, ce moteur est l’âme de la F40. Monté longitudinalement, ce bloc de 2936 cm3 développe 478 ch et et 577 Nm. Il est forgé (dans la fonderie maison de Maranello, s’il vous plaît) en silumin, un alliage d’aluminium et de silicium, de même que ses culasses, couvre-culasse et collecteurs d’admission.
La F40 a été supervisée par le grand ingegnere Nicola Materazzi, pionnier de la suralimentation. C’est son expertise en la matière qui avait poussé Enzo Ferrari à l’embaucher en 1979. « Je me souviens du premier samedi matin, quand je suis arrivé au bureau à 8 h, a raconté Materazzi. Je pensais que je serais seul car je n’avais demandé qu’à quelques personnes de mon équipe de venir m’aider. Mais quand je suis arrivé, la totalité de l’équipe m’attendait, impatiente de relever le défi. Ce sont ces personnes qui ont fait la grandeur de Ferrari. »
Développée en moins d’un an, la F40 a profité du degré inhabituel de liberté laissée à l’équipe par un Enzo Ferrari vieillissant. C’était l’une des promesses du Commendatore à Materazzi qui, de son côté, avait claqué la porte de Fiat faute d’avoir les coudées franches. La F40 sera la dernière Ferrari conçue du vivant d’Enzo, ce qui n’a pas fait de mal à son aura.
Quelques chiffres peut-être pour conclure ?
Pesant tout juste 1 250 kg à sec, la F40 passe de 0 à 100 km/h en 4,1 s. Plus significatif à l’époque, ses 324 km/h en pointe en ont fait la première voiture de série à franchir la barre symbolique des 200 mph (322 km/h). On aimerait savoir qui était au volant…
La F40 a été baptisée ainsi pour les quarante ans de Ferrari, tout simplement. La marque avait prévu d’en construire 400 mais la production ne s’est arrêtée qu’à 1 311 exemplaires au début des années 1990. Tous n’ont pas survécu, et l’actualité récente rappelle que la sélection naturelle poursuit son œuvre…
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