BMW X2 M35i

Le X2 s'énerve. Vraie Béhème ou pétard mouillé ? C'est plus compliqué que ça...

Craig JAMIESON • Niels de GEYER
Publié le : 20 mai 2019

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Le X2 M35i rend une copie très sérieuse. Trop pour une BMW M Sport de 306 ch et presque 60 000 €.

Qu’est-ce que c’est ?

Le BMW X2 M35i, en d’autres termes l’archétype du compromis. Or le compromis, n’est-ce pas le début de la défaite, si l’on en croit le marketing moderne et tous ses leitmotivs « sans compromis » ?

En matière automobile, non. Qu’on le veuille ou non, d’une manière ou d’une autre, chaque voiture est un compromis.

Mettons que vous cherchiez une voiture vraiment rapide. La Bloodhound SSC serait tout indiquée. Il y a un juste un hic, c’est la conso. L’engin de franchissement ultime ? Un char Leclerc, c’est bien. Sauf en ville, où même si vous êtes très poli le conducteur de la dixième Twingo passée sous vos chenilles risque de finir par vous regarder de travers.

C’est bon, j’ai compris, le compromis c’est bien. Mais à quel moment est-ce qu’on s’arrête ?

Le BMW X2 M35i est peut-être la réponse parfaite à cette question. C’est un SUV, parce que c’est ce que les gens achètent. Il promet du sport, parce que c’est devenu indispensable pour vendre n’importe quoi d’autre qu’une brosse à dents. Il est compact, parce qu’il doit pouvoir se faufiler dans les villes où les gens s’agglutinent. Mais il est aussi (un peu) haut, parce qu’il faut qu’on ait l’impression qu’il puisse partir barouder dans la pampa sur demande (le rêve éveillé de tout citadin sur un périphérique bouché).

Et il se trouve qu’il dispose de plus de 300 ch, de différentiels actifs et de la capacité de s’arracher jusqu’à 100 km/h en moins de 5 s, parce que son petit camarade de chez Audi fait comme ça. Sauf que l’Audi SQ2 est peut-être la façon la moins intéressante d’aller vite.

Et le X2 M35i ?

Attention surprise, comme la plupart des voitures performantes de nos jours, lui aussi privilégie la vitesse au plaisir. Ce n’est pas que le plus turbulent des X2 soit incompétent, loin de là. C’est juste qu’il manque de sensualité. Vous pointez son museau de squale dans la direction de votre choix, vous appuyez sur l’accélérateur et vous le laissez faire.

Les mises en vitesse sont impressionnantes (306 ch, ça aide) mais le conducteur, jamais récompensé par une bribe de ressenti ou un semblant de complaisance du train arrière, n’est pas encouragé à s’impliquer. Le X2 se débarrasse des virages avec un poil de roulis mais surtout la tête ailleurs. Il transforme la route en gigantesque filet de sécurité sur lequel vous conduisez en gants de soie grâce à d’innombrables raffinements châssis, aussi bien hardware que software.

Côté hardware, on trouve un différentiel autobloquant à l’avant (une première chez BMW), des freins M Sport gros comme des cymbales et un réglage plus sportif des trains roulants. Côté software, le tout peut aller de pair avec une suspension pilotée optionnelle qui vous laisse choisir entre un confort acceptable et un mode masochiste.

En pratique, qu’est-ce que ça donne ?

Conscience professionnelle oblige, nous avons tout essayé, dans l’ordre suivant : gentil lever de pied, freinage tardif dans la courbe, freinage très tardif dans la courbe , pour finir par écraser les freins sans scrupule en plein virage. Seule cette dernière tentative a produit une amorce rotation digne de ce nom, immédiatement corrigée par l’ESP. Affaire réglée, sans aucune envie de remettre ça. Un sentiment curieux au volant d’une Ultimate Driving Machine, il faut bien l’avouer. Paradoxalement, la manière la plus appropriée de conduire cette BMW de 306 ch badgée Motorsport est sans doute de se caler en mode Comfort et de pester contre les limitations de vitesse.

Ah. Ce n’est quand même pas idéal. Est-ce que BMW aurait rendu les armes ?

Ce serait trop simple de pointer du doigt BMW, mais il est certain que la marque n’aurait eu aucun mal à concocter un X2 M35i plus amusant pour faire plaisir aux journalistes. S’ils ne l’ont pas fait, c’est pour une excellente raison.

Les ventes de coupés sont en berne mais celles des SUV continuent de grimper. BMW doit donc produire des SUV pour gagner de l’argent. Les clients ont demandé un style agressif et un gabarit contenu, donc BMW s’est exécuté là aussi. Des perfs ? Allez.

Mais qui, en dehors de quelques journalistes automobiles plus ou moins sains d’esprit, réclame du ressenti, de l’engagement ou un train arrière coopératif ? C’est ça. Les gens veulent juste des autos performantes et bling-bling qui fassent des vues sur Youtube ou des jaloux dans la belle-famille.

C’était mieux aaaavant.

Aussi horripilant que ce soit, de nos jours les performances sont mesurées en chiffres, pas en ressenti. Comment ça, je radote ?

Et si l’on s’en tient aux chiffres, le X2 M35i est une énième démonstration de force de BMW. Il constitue aussi une somme de compromis judicieux : suffisamment compact pour la ville avec pléthore de puissance pour l’Autobahn, rivé au bitume mais assez confortable pour un usage quotidien. BMW s’est assurée que cette combinaison d’un moteur de 306 ch, d’une carrosserie surélevée et d’un poids de 1 600 et quelques kilos reste sûre même entre des mains profanes et/ou irresponsables.

Il faut même reconnaître que BMW a même fait un travail assez incroyable pour concilier des objectifs aussi contradictoires. Mais c’est le problème avec les compromis. Si vous raisonnez en termes de pertes, ça n’a jamais l’air d’une bonne affaire. Le truc, c’est de faire un pas en arrière et de contempler tout ce que vous y gagnez. En l’occurrence, peut-être la BMW hautes performances la plus facile à vivre de tous les temps.

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