Alpine A290 : Esprit, es-tu là ?


Publié le : 1 juillet 2024

L’Alpine A290 est-elle une vraie Alpine ou une nouvelle Renault Esprit Alpine avec de grosses jantes ? La question est rude, mais à force de voir Renault jouer avec son héritage et ses marques, on peut douter…

 

Elle est donc là, l’Alpine “nouvelle ère”, la seconde après l’A110. Enfin ! diront certains. Déjà… se plaindront les autres. Car, comme vous le savez, cette Alpine A290 est 100 % électrique. Un choix de raison que l’on pourrait être tenté de regretter instantanément après le miracle que constitue l’A110. Un engin qui, bien qu’il ait été conçu et produit sous l’égide de Renault, a réussi à défendre et à mettre en œuvre des choix techniques forts, comme son moteur central arrière, à proposer l’un des meilleurs rapports prix/plaisir du marché et, au final, à en faire l’une des meilleures sportives de ces dix ou vingt dernières années. Mic drop. Les attentes concernant cette nouvelle A290 sont donc énormes. Et LA question à laquelle il va falloir répondre est : un choix de raison exclut-il la passion pour autant ?

Première donnée qui saute aux yeux, cette A290 n’est pas “qu’une” Alpine. Elle dérive de toute évidence de la Renault 5 E-Tech, la nouvelle citadine électrique du Losange. On peut alors se demander d’emblée si c’est un coup marketing digne des scandaleuses Twingo et Wind “Gordini”, quand Renault avait décidé de s’essuyer allègrement les pompes sur son héritage, ou si c’est une “vraie” Alpine. D’après la marque, c’est la seconde option. On ne s’attendait pas à ce qu’ils nous disent le contraire mais ils s’appuient sur un storytelling efficace qui insiste sur les origines d’Alpine, les débuts de Jean Rédélé et ses nombreuses victoires en compétition au volant de 4CV, sages familiales d’après-guerre, modifiées par ses soins. Histoire séduisante mais un peu capillotractée, un confrère d’Échappement, Michel Renavand, m’ayant rappelé que Jean Rédélé n’a badgé ses créations Alpine qu’à partir du moment où il a pu recarrosser complètement ses voitures pour, entre autres, économiser du poids.

Ceci dit, si L’Alpine A290 est beaucoup plus proche esthétiquement de la Renault 5 E-Tech que l’Alpine A106 ne l’était de la Renault 4CV, on ne peut pas dire que les designers Alpine ont siesté sur leurs palettes graphiques. J’ai bien tenté de leur demander quelles pièces étaient communes avec la Renault, mais la réponse a été : « On préfère communiquer sur ce qui est différent. » Je comprends mais, vu le boulot, ça ira plus vite de lister les rares pièces en commun. À savoir le capot (même si l’insert est différent, les éventuels futurs clients Alpine n’ayant a priori pas voulu de l’affichage du niveau de charge de la batterie), le toit, le hayon (qui a quand même gagné un minibecquet censé évoquer l’A110…), et très certainement les portes avant. Le reste est spécifique, des boucliers plus évocateurs aux ailes larges en passant par les phares additionnels. Ces derniers ne sont là que pour l’esthétique, pour affirmer la nouvelle signature lumineuse également présente dans les optiques : des rectangles barrés d’une croix qui fait référence aux masquages faits au Scotch sur les voitures de rallye de l’époque.

OK, jusqu’ici j’avoue que je suis plutôt séduit mais pas encore convaincu. L’esthétique, c’est bien, mais souvenez-vous de la leçon de Jean. Non, pas Ragnotti, ça viendra plus tard quand on pourra rouler. Pour le moment, je pensais plus à Jean de la Fontaine. Vous savez, le ramage, le plumage, tout ça… Justement, on y vient, au ramage. Si les ailes ont été élargies, ça n’est pas que pour la forme. C’est pour couvrir les voies qui ont pris 6 cm ! Si le train arrière multibras est repris de la Renault 5, la suspension a été revue. Quant au berceau avant, il est spécifique, tout comme les barres antiroulis avant et arrière. Côté suspensions toujours, les butées hydrauliques font leur apparition et pour le freinage, c’est simple, c’est celui de l’A110. Évidemment il y a plus de poids, environ 300 kg, mais l’apport de la régénération permet de contrebalancer la surcharge. Dernier point non négligeable, Alpine a travaillé avec Michelin qui a développé des pneus spécifiques pour l’A290, marqués A29, à savoir un Pilot Sport, un Pilot Sport S5 semi-slick (PSS5) et un pneu hiver Alpin 5. Quelle citadine a “ses” propres Michelin ?!? Tout ça commence à sentir bien bon !

 

Sous le capot, l’A290 marque encore le pas avec la Renault 5 en s’offrant le moteur de la grande sœur, la Mégane E-Tech, qui sera proposé en saveur 180 ch/265 Nm ou 220 ch/300 Nm. De quoi déplacer efficacement l’ensemble en passant de 0 à 100 km/h en 6,4 s. Un ensemble qui affiche un poids étonnamment contenu pour une voiture électrique à vocation sportive avec un peu moins de 1400 kg. Cette “presque” prouesse est atteinte en ayant fait des efforts pour contenir le poids un peu partout (le moteur a perdu 100 kg) et en gardant une batterie contenue de 52 kWh. Un choix qui pourrait se payer sur le plan de l’autonomie, le chiffre de “plus de 380 km” ne donnant pas de grands espoirs en conduite sportive, mais qui pourrait payer sur le plan dynamique. Car on nous a promis un comportement typé Alpine grâce d’abord à ce rapport poids/puissance intéressant posé sur un châssis aux p’tits oignons, mais aussi à une autre nouveauté baptisée Alpine Torque Technology. Cette dernière permettrait à la fois de limiter les arrivées brutales de puissance à l’accélération en s’approchant du comportement d’un bloc thermique, en l’occurrence celui de l’A110, et de rendre l’A290 plus mobile au freinage sans pour autant la transformer en toupie.

Et si à ce jour c’est la seule configuration proposée, rien n’empêche d’espérer un avenir plus… watté. J’ai notamment posé la question d’une éventuelle future version avec deux moteurs qui apporteraient plus de puissance et une transmission intégrale. Réponse : « On travaille sur le cycle de vie complet de la voiture mais il est encore trop tôt pour communiquer là-dessus… Malheureusement. » Ça veut dire oui.

À l’intérieur, on trouve une architecture très proche de celle de la Renault 5 avec d’autres selleries et habillages, mais Alpine nous a tout de même réservé deux surprises : une console centrale spécifique qui reprend les boutons de commande de boîte de l’A110 et un volant spécifique qui “donne envie”. Le tulipage a été particulièrement travaillé pour le rendre évocateur et, en plus des boutons “classiques”, on trouve un sélecteur de mode, une molette bleu anodisé du plus bel effet marquée RCH pour gérer les quatre niveaux de régénération au freinage – le 0 est le mode roue libre le 1 imite le frein moteur de l’A110 – et un bouton OV – pour Overtake, dépassement –, dont l’utilisation est encore confuse. Il permet un surcroît de puissance basé sur le niveau d’enfoncement de la pédale d’accélérateur, donc sans forcément donner 100 % de la puissance. Et je n’ai pas compris s’il y avait un boost ou non si vous avez déjà le pied droit soudé.
Bref, ça n’est pas limpide mais c’est une bonne nouvelle, ça nous permettra d’avoir encore des choses à découvrir lors des essais. Ça et une autre nouveauté, un mode Coaching qui devrait vous aider à mieux vous servir de votre A290. Mais surtout, c’est le comportement de cette première Alpine 100 % électrique que je suis impatient de découvrir, et de vous faire découvrir.

Le but affiché est de réinventer la sportivité électrique au quotidien – lisez réinventer la sportivité au quotidien EN électrique – selon trois piliers : légèreté, performance et savoir-faire français. Si la légèreté et les performances sont des données affichées dans la fiche technique, reste à découvrir si le savoir-faire français, et plus exactement le savoir-faire Alpine, sera au rendez-vous. Impossible de s’avancer mais… je suis confiant car, pour être honnête, les gens que j’ai rencontrés, designers, ingénieurs, metteurs au point, etc., dégageaient tous un mélange de passion, d’excitation et de conviction. Ils avaient des étoiles dans les yeux et étaient tous impatients de nous faire découvrir leur bébé dans son élément, sur route. Impatience partagée !