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Porsche avait probablement déposé le numéro 357 depuis bien longtemps mais sans l’utiliser. Jusqu’à maintenant. Il s’appelle donc Vision 357 et rend un hommage appuyé à la Porsche 356/1 Roadster qui, pour briller à la machine à café, est la première voiture de série à avoir porté le nom Porsche. C’est par lui qu’a débuté l’aventure le 8 juin 1948. Oui, il y a pile 75 ans.
Donc, c’est quoi ce Vision 357 ? En gros, c’est un cadeau de Porsche à Porsche à l’occasion de son autoanniversaire pour cette année particulière. Le Vision 357 est un petit coupé magnifiquement proportionné qui lorgne du côté rétro en adoptant des tropes du design minimaliste et en les saupoudrant de références historiques savamment choisies pour titiller nos émotions. Vous l’aurez compris, on A-DO-RE ! Un peu ancien et nouveau à la fois sans être ni tout à fait l’un, ni tout à fait l’autre. Ou, comme le dit Porsche, « C’est un regard attendri sur le voyage conceptuel vers le futur du passé ». Hein ?
Si vous avez lu le livre Porsche Unseen, vous savez déjà que de véritables historiens de l’automobile se cachent dans l’équipe de design. Michael Mauer, responsable du design (et nouveau patron du design du groupe VW), explique clairement comment cela fonctionne à Weissach : « Serait-il préférable de partir d’une feuille blanche sans restrictions ? Non. L’histoire nous donne une orientation… Je la comparerais à une boussole. Cela vous donne également une marque qui représente certaines valeurs. Ce serait stupide de ne pas construire là-dessus, mais pour bien construire l’avenir, vous devez trouver le bon équilibre entre tradition et innovation. »
Sous cette sublimissime carrosserie, on trouve le châssis du 718 Cayman GT4 RS, ainsi que son magnifique 6 cylindres 4.0 l et ses 500 ch. Partant du principe que Porsche a fini par fabriquer 77 exemplaires de son hommage à la 935 Moby Dick basé sur la 911 GT2 RS en 2019, nous caressons le secret espoir que celui-ci suive la même voie. Ce serait tragique d’abandonner de telles lignes. Porsche en a également profité pour nous ressortir son concept Renndienst 2018 – qui signifie “assistance à la course” –, dont vous vous souvenez certainement. Un concept qui se voulait un mélange de van de transport de personnes et d’“expérience spatiale”. Et le voici maintenant là pour tirer la remorque du Vision 357. OK ! Arrêtez de jouer avec nos nerfs et construisez-les, ça vire au cruel…
« Ce n’est même pas vraiment un concept, poursuit Mauer. Nous pensions aux années 75, à ce qu’était la première Porsche de série. Puis nous nous sommes dit, faisons quelque chose où l’on verrait clairement la connexion avec la 356 sans être trop rétro. Ensuite, nous avons décidé de le faire sur une plate-forme à combustion. Nous avions beaucoup de liberté mais les proportions sont très proches d’une hypothétique réalité. Lorsque nous faisons des concepts, ils ont une base assez réaliste, nous ne les faisons pas simplement pour nous occuper. Donc oui, ce serait possible. »
Mauer me dit qu’une autre partie du processus de création du Vision 357 consistait à envisager le type de voiture que Ferry Porsche aurait pu aimer. Un exercice qu’ils avaient déjà fait. En 1989, Porsche a créé un cadeau pour le 80e anniversaire de Ferry basé sur la 911 964, appelée Panamericana. Elle avait été conçue par le futur patron d’Aston Martin, Ulrich Bez, et son dessin supervisé par Harm Lagaay. Il y avait deux grilles d’aération sur le capot moteur qui faisaient un clin d’œil à la 356, mais comme le nom Panamericana le demandait, cette grenouille verte était une sorte de buggy des dunes. Le lien est bien plus explicite – et BEAUCOUP plus élégant – avec le Vision 357.
On le sait, Ferry était l’homme derrière la 356 originale et c’est à lui que l’on doit Porsche tel qu’on la connaît aujourd’hui. Mais il n’est pas parti de rien. Son père, Ferdinand Porsche, a été l’un des plus grands ingénieurs automobiles de tous les temps. Il a joué un rôle prépondérant dans la création de quelques-unes des plus importantes voitures de l’histoire : la première voiture hybride, la Lohner-Porsche de 1901 – pas une hybride comme on les connaît mais plus une électrique à prolongateur d’autonomie –, la Mercedes SSK, les incroyables Auto Union de course et, bien sûr, la KdF-Wagen, devenue la Coccinelle. Une tout autre histoire parfois (franchement) trouble mais passons et allons directement à l’après-guerre quand Ferry Porsche a dû recoller les morceaux. La société donnait alors dans la réparation d’automobiles, les pompes à eau et les machines-outils. Ferry a alors conclu un accord avec un ancien footballeur de la Juventus devenu pilote de course et entrepreneur, Piero Dusio, pour construire la monoplace Porsche Type 360 Cisitalia. Magnifique et avant-gardiste, c’était la première voiture à porter le badge Porsche, mais le projet a calé.
Toujours interdit de séjour à Stuttgart, Ferry s’est installé à Gmünd, en Autriche, et s’est mis au travail sur ce qui allait plus tard devenir la 356, le 356/1. Un roadster considéré par certains comme une aberration avec son flat-4 1.1 refroidi par air en position centrale, et non arrière comme la 356. Mais la ligne était déjà là, ce design parmi les plus reconnaissables au monde encore aujourd’hui, que l’on doit à l’associé de longue date de Porsche, Erwin Komenda, qui avait rejoint le tout nouveau bureau de design créé par Ferdinand Sr en 1931. Komenda est l’homme qui a dessiné la Coccinelle et qui peaufinait la 356 depuis 1946.
Dans une interview de 1972, Ferry Porsche a déclaré : « Je me suis aperçu que si vous avez suffisamment de puissance dans une petite voiture, c’est plus agréable à conduire que si vous avez une grosse voiture surpuissante. » Lucide ! Il aura fallu deux ans pour vendre 50 voitures mais, en 1965, quand la production de la 356 a cessé, plus de 76 000 exemplaires avaient été produits.
Fidèle à l’original, l’habitacle du Vision 357 est étriqué. Le pare-brise – en deux parties sur les premiers modèles – vient ici envelopper les montants A, ce qui donne un effet visière aux surfaces vitrées. Les épaules et les hanches sont larges et, à l’arrière, la référence à la grille d’aération originelle va du pied de la lunette jusqu’au diffuseur/bouclier/support de plaque, tandis que les optiques sont pratiquement invisibles tant qu’ils ne sont pas allumés.
À l’avant, les optiques ovales sont séparées en quatre parties pour évoquer les quatre LED des Porsche modernes. Les jantes 20 pouces en magnésium à écrou central sont dotées d’enjoliveurs en carbone aérodynamiquement efficace (si, si…). L’inspiration de la compétition est évidente avec le capot monobloc maintenu par des attaches rapides et les tiges filetées en guise de support pour la lame avant. Comme sur le concept Mission R, les seuils sont en plastique renforcé de fibre de carbone (CFRP). La garniture des doubles sorties d’échappement est en titane mais l’échappement est en céramique. Et, pour finir, les rétros ont cédé la place à des caméras. Ah non ! ça n’est pas tout. Il y a aussi ce petit dinosaure à l’entrée des prises d’air devant les roues arrière.
« Il y a eu une réflexion sur un modèle électrique mais nous avons pensé que la combustion était plus sympa, nous dit Mauer. Et comme il s’agit peut-être du dernier moteur à combustion que nous fabriquons, l’un des concepteurs a fait un croquis de dinosaure que nous avons transformé en décalcomanie. »
Mauer nous explique que ce Vision 357 est né en moins d’un an. Et en retournant à la source, ils ont évité de susciter des spéculations sur ce à quoi pourrait ressembler une toute nouvelle 911.
« Par rapport à d’autres entreprises, nous avons un état d’esprit plus ouvert et un PDG qui nous donne un budget et ne sait pas ce qu’il aura à la fin de l’année. Tout est possible. Nous avons une liberté totale de réfléchir à de nouveaux concepts, d’explorer des façons de développer notre langage de conception. Sur cette voiture, c’est par exemple le cas des optiques avant et arrière. Nous voulons toujours intégrer de nouveaux éléments, et les nouvelles technologies pourraient permettre quelque chose comme ça.