Jag F-Pace & Range Velar
Avant de faire ce sujet, je n’avais pas encore eu l’occasion de voir le Velar “en vrai”. Pourtant, et au risque de me faire flageller à coups de branches d’orties fraîches par les détracteurs des SUV, je le trouvais déjà très joli. Mais ça, c’était avant. Avant notre première rencontre. Quand, dans un parking souterrain éclairé aux néons, ambiance Subway, je l’ai vu arriver vers moi façon SlowMo (au ralenti, quoi) perché sur ses jantes 22” avec sa peinture satinée dans cette version Première Édition… je l’avoue, j’ai pris ma claque.
Première Édition, c’est la version “full plus plus” du Velar, c’est-à-dire avec toutes les options cochées. Alors qu’un Velar de base attaque à 57 500 € sans être totalement “à poil” (bien que le GPS soit en option !), le Velar Première Édition s’affiche “à partir de” 109 600 €. C’est simple, y’a tout. Des sièges avant chauffants-ventilés électriques à mémoire réglables dans 20 directions (!) aux jantes de 22” en passant par le régulateur adaptatif, l’affichage tête haute, le Terrain Response 2 ou le système audio Meridian Signature. Pour ma part, c’est la première fois que, sur un configurateur en ligne, je vois une page “options” simplement faite d’une photo. Pas de texte, pas de cases à cocher, rien. Juste une photo de fond et un bouton pour aller à la page suivante. J’ai même rafraîchi la page deux fois, je croyais à un bug… Alors pourquoi “à partir de”, vous demandez-vous ? Parce que vous pouvez encore ajouter cette magnifique teinte gris satiné baptisée Flux qui n’est pas dans la liste des options mais des finitions. Ah… astucieux Jaguar ! Cette peinture spécifique est appliquée hors chaîne par la branche SVO de Land Rover à Warwickshire. Elle n’est proposée que pour le Velar Première Édition, lui-même uniquement disponible avec le gros moteur essence D380 – un 6 cylindres 3.0l suralimenté de 380 ch – ou le gros moteur diesel D300 – un 6 cylindres 3.0 l biturbo de 300 ch – et seulement durant la première année de commercialisation, donc jusqu’à avril/mai 2018. Le prix de l’exclusivité ? 7180 €. Oui, le satiné a l’air doux à l’œil, mais il pique au portefeuille… Notre Velar Première Édition et sa peinture Flux sont ainsi facturé un peu plus cher que… deux Velar de base neufs.
Peut-être avez-vous remarqué une autre voiture dans cet essai ? Je sais, c’est cruel, mais à côté du Velar, le F-Pace passerait presque inaperçu. Un comble pour celui qui est certainement l’un des plus beaux SUV du marché. Lors de mon premier essai l’an passé, j’étais tombé sous le charme. Et je ne suis pas le seul, le F-Pace est un énorme carton commercial. Les chiffres 2017 ne sont pas encore connus mais déjà en 2016, suite à son lancement et sans être en année pleine (moins de 12 mois de vente), il s’était vendu plus de F-Pace que de berline XE.
Pourtant, proposer un SUV badgé Jaguar était risqué. Souvenez-vous quand Porsche avait annoncé le Cayenne, le scandale que ça avait provoqué. OK, Porsche était le premier constructeur du segment à se lancer sur les SUV et avait essuyé les plâtres, OK c’était une autre époque, OK… tout ce que vous voulez (OK, le Cayenne premier du nom n’était pas un canon de beauté…). Mais à sa sortie, le F-Pace a mis tout le monde d’accord. Et ce principalement grâce à Ian Callum qui a réussi l’exploit de dessiner un vrai SUV qui est, dans le même temps, une vraie Jaguar aux lignes élégantes et racées. Sincèrement, à moins d’être anti-SUViste croyant-pratiquant ET de mauvaise foi, difficile de ne pas le trouver réussi. À l’intérieur, c’est du Jaguar pur jus. Dessin raffiné, matériaux de qualité, finition irréprochable, silence à bord… Je ne vais pas vous refaire le plan éculé du salon anglais. Ah bah si, c’est fait ! Mais il faut reconnaître que c’est sympa de voyager dans un salon anglais. Et un salon moderne, qui plus est ! Le F-Pace propose tout l’attirail nécessaire aux SUV premiums actuels avec un grand écran central, évidemment, mais également un grand écran en face du conducteur en lieu et place des vieux compteurs analogiques… Oui mais voilà, si le F-Pace a su nous confirmer ce que les XE, XF et F-Type nous avait promis, à savoir que Jaguar s’était définitivement débarrassé de son image de vieille Lady britannique, le Velar fait entrer Range Rover dans le futur. Et son conducteur dans un habitacle digne du pont de l’Enterprise – en un peu moins spacieux et sans le commandant Spock.
Il paraîtrait que nous passons beaucoup trop de temps devant des écrans chaque jour ? Peut-être, mais ici tout est écran et c’est beau ! Au centre de la planche de bord ? Un écran. À la place des compteurs ? Un écran. La console centrale ? Un écran. Le centre des molettes de réglage de la ventilation ? Des écrans. Les boutons sur le volant ? Des écrans… (même s’il s’agit plus d’une astuce de design pour les molettes et d’un excellent travail de surfaces et de matériaux pour les boutons de volant). Et tout cet attirail technologique est mis en avant par la pureté des lignes très horizontales de l’habitacle, typique Range Rover. Et c’est beau ! Effet waouh garanti à l’entrée, effet Tom Cruise dans Minority Report à l’utilisation. Oui, je sais, LA voiture dans Minority Report était une Lexus mais 1- c’était surtout une étude de style extérieure ; 2- elle avait le look d’une voiture du futur alors que là je vous parle d’une vraie voiture de maintenant qui roule ; et 3- je fais bien les références que je veux, on n’est pas dans Studio Ciné Live (excellent magazine au demeurant) mais dans un magazine auto. Bref, concernant ces écrans, on ne va pas se mentir, ça peut demander un léger temps d’adaptation. Mais c’est globalement très ergonomique et on cherche moins ses marques qu’on aurait pu le craindre. Et c’est beau ! Les affichages HD des écrans profitent de graphismes soignés et clairs mais, surtout, l’ensemble est probablement le système le plus réactif que j’ai vu récemment.
OK, tout ça c’est bien joli, mais on n’est pas là que pour parler déco et équipement. Pour déplacer ces gros bébés, nous avons opté pour du diesel. Messieurs les antidieselistes croyants-pratiquants (souvent les même que les anti-SUV), désolé mais sur ce genre d’engin, ça reste la motorisation la plus cohérente et, pour les cas qui nous concernent, la plus agréable. Bien plus cohérente en tout cas que la nouvelle version du malus écologique 2018 qui continue de favoriser le diesel en ne se basant que sur les émissions de CO2. Le Velar et le F-Pace qui nous occupent sont donc motorisés par le même bloc 6 cylindres 3.0 l biturbo de 300 ch, couplé à la même boîte auto ZF 8 rapports et tous les deux en transmission intégrale (tous les Velar le sont). Mieux, les deux reposent sur la même plateforme. De quoi faciliter grandement la comparaison. Et c’est impressionnant de voir à quel point deux autos si proches techniquement peuvent se montrer aussi différentes. La philosophie n’est clairement pas la même et c’était annoncé dès le départ. Jaguar ne parle même pas de SUV pour le F-Pace (ce n’est d’ailleurs pas le mais la F-Pace) puisqu’elle est présentée comme une sportive familiale. Mouais… avec 4,73 m de long, près de 2 m de large, pas loin de 1,70 m de hauteur et près de 1,9 tonne, on est plus proche d’une championne de lancer de marteau estonienne sous stéroïdes que d’une sprinteuse de 100 m. Sportivité toute relative donc, mais sportivité quand même. Sans arriver à totalement faire oublier son poids, sa garde au sol, bref, son gabarit en général, le F-Pace fait preuve d’un dynamisme étonnant, tant dans ses relances que dans ses appuis. Pour le Velar, c’est… différent. À la sportivité du F-Pace, il préfère le confort moelleux. Les relances sont là mais moins franches que dans le Jaguar. Vu le couple plus que généreux de 700 Nm, le surpoids (un peu moins de 100 kg) joue moins dans ce flou artistique que le typage volontairement confort qui a tendance à gommer les sensations. Cet aspect tapis volant peut plaire mais il faut aimer être coupé de la route. Pour renouer le dialogue avec ce qui se passe sous vos roues, il est indispensable de passer la suspension active en mode dynamique (une occasion de plus de profiter de ses écrans). Là, sans atteindre la rigueur du Jag, le Velar se fait plus précis, même si on sent bien que la conduite pure a été reléguée au second plan derrière l’expérience assez incroyable qu’offre cet habitacle.
Est-ce qu’on s’en lasse à la longue ? Je ne pense pas. Est-ce que ça se banalise ? Certainement, comme toute nouveauté. Mais il suffit de monter dans une auto “normale” pour remettre votre système de valeur à zéro et profiter à nouveau de l’effet waouh. Simple et pas cher ! Tiens, puisqu’on parle d’argent… Un Velar V6 diesel 300 ch “de base” est 8000 € plus cher qu’un F-Pace similaire et cet écart atteint plus de 20 000 € (!) avec nos deux prétendants du jour.
Moins cher et plus dynamique, la raison devrait donc me faire choisir le Jaguar mais… Durant les quelques jours où nous avons pu profiter de ces deux SUV à la rédac, une question revenait sans cesse dans nos discussions : « Peut-on acheter une auto simplement parce qu’elle est belle ? » La réponse est non (à moins d’être sacrément blindé…). Mais, surtout, la question est mal posée. En revanche, si on reformule : « Peut-on acheter une auto plutôt qu’une autre bien quelle soit moins dynamique et plus chère ? » Là, la réponse est « Quand elle capte la lumière façon Audrey Hepburn, et qu’elle permet de se prendre pour Tom Cruise dans Minority Report, oui ! »
Nos remerciements à la commune de Cayeux-sur-Mer pour son accueil.