Oubliez les Divo, Centodieci et autre Voiture Noire. Il y a quelque temps, nous nous posions la question : à quoi pourrait ressembler une hyperpistarde signée Bugatti ? Plus besoin de faire appel à son imagination : voici la bien-nommée Bugatti Bolide, forte de 1 850 ch (sic) pour 1 240 kg (re-sic). En théorie, elle est capable de tourner en 3’07 au Mans (7 s plus vite que le record du tour de la Toyota TS050 qui avait fait la pole en 2017), et 5’23 sur la boucle nord du Nürburgring (à seulement 4 s de la Porsche 919 Evo, une LMP1 libérée de toute contrainte réglementaire). La vitesse de pointe ? Plus de 500 km/h en configuration à faible appui. Le 0 à 100 km/h ? 2,17 s grâce à la transmission intégrale. Quelle que soit votre façon préférée d’aller vite, la Bugatti Bolide repousse les limites.
Le nouveau monstre de Molsheim s’inscrit dans la tendance des hyperjoujous qu’on ne peut ni conduire sur la route, ni engager en course. Des engins comme les Ferrari FXX-K et P80C, la McLaren Senna GTR, l’Aston Martin Valkyrie AMR Pro, la Brabham BT62 ou la nouvelle Lamborghini SCV12. Comme ces dernières, la Bolide minimise le poids et maximise l’appui aéro. Sauf qu’elle franchit encore un palier dans la stratosphère en ajoutant à la recette un moteur d’un autre monde.
Sous cette sculpturale monocoque en fibre de carbone, on retrouve en effet le fabuleux W16 8.0 quadriturbo maison. Développant 1 500 ch sur une Chiron standard et 1 600 sur une Chiron Super Sport 300+, il passe ici à 1 850 ch. Le tout ne pèse que 1 240 kg. Il y a donc autant de différence entre une Chiron (1 945 kg) et la Bolide qu’entre une Citroën AX et sa version Majorette. De quoi afficher un rapport poids/puissance absolument délirant de 0,67 kg/ch. Il y a dix ans, une Veyron Super Sport régnait sur a planète automobile avec 1,53 kg/ch…
La Bolide se veut un laboratoire roulant, pondu par les ingénieurs Bugatti en huit mois. Au moins, il y en a qui n’ont pas perdu leur temps pendant le confinement. Et qui ont dû avoir des réunions Zoom un peu peu plus excitantes que d’autres.
Pour gagner 250 ch sur ce qui était déjà le moteur le plus puissant du monde, ils lui ont greffé quatre nouveaux turbos aux ailettes redessinées pour générer plus de pression et donc plus de puissance à des vitesses de rotation supérieures. Le couple atteint quant à lui 1 850 Nm dès 2 000 tr/min. Plus de chevaux égale plus de chaleur : Bugatti a donc revu la lubrification et le refroidissement en conséquence, de même que la ventilation des freins carbone-céramique pour compenser le surcroît d’élan à casser en bout de ligne droite.
Le plus impressionnant reste cependant ce régime sec. On n’avait pas vu ça depuis Christian Bale dans The Machinist. Au total, la Bolide a perdu pas moins de 755 kg par rapport à une Chiron grâce à un traitement à base de carbone et de titane, en recourant à l’impression 3D pour certaines pièces. Des alliages aux normes aérospatiales permettent une rigidité hors norme. Le berceau arrière fait appel à un acier à haute élasticité moins exotique, mais qui ne dépasse pas le millimètre d »épaisseur. La paroi de la prise d’air dorsale est flexible et peut se déformer pour optimiser l’aéro.
Vous aurez compris que ce dernier aspect est crucial. La Bolide génère plus d’appui que n’importe quelle autre Bugatti avant elle. À 320 km/h, il y en a 1 800 kg sur l’aileron arrière, et 800 à l’avant La suspension est censée résister à 3,5 t, (presque le poids de deux Chiron). Et au cas où ça ne suffirait pas à bien vous caler sur l’asphalte, il y a aussi des slicks Michelin de 340 mm de large à l’avant et 400 mm à l’arrière sur les jantes en magnésium. Juste pour vous donner une idée, la Chiron de monsieur Tout-le-monde chausse du 285 à l’avant et du 355 à l’arrière. Avec tout ce grip, vous pouvez espérer prendre jusqu’à 2,8 g en virage. Ça peut aussi remplacer un lifting.
Et puis, il y a cette allure. Est-ce qu’une voiture a déjà mieux mérité le qualificatif d’hypercar ? On dirait une Divo de l’espace. On note les signatures lumineuses en X aux deux extrémités. Dont un géant à l’arrière, qui attire l’attention s’il en était besoin sur la batterie de quatre échappements centraux façon Pagani. Il souligne aussi les contours de la carrosserie et du diffuseur à l’arrière, laissant voir les suspensions et le trajet emprunté par les flux d’air (ce qui peut faire penser à la poupe de la Lotus Evija). Ce X est une référence au Bell X-1, l’avion aux commandes duquel Chuck Yeager fut en 1947 le premier homme à franchir le mur du son en vol horizontal.
Haute de seulement 995 mm, soit la même hauteur que la légendaire Bugatti Type 35 (sauf qu’à l’époque, le pilote s’asseyait dessus, pas dedans…), la Bolide oblige ses occupants à se faufiler par des portes en élytre puis à s’allonger dans leur baquet, avec les pieds plus haut que les fesses comme dans un proto ou une monoplace. L’habitacle est peut-être moins opulent que celui d’une Chiron, mais c’est le grand luxe à côté d’une LMP1, avec de l’Alcantara partout, des poignées de porte et même un semblant de planche de bord. Côté sécurité, toutes les exigences de la FIA sont respectées : compatibilité avec le système HANS, extincteur automatique, système de remorquage, roues à écrou central, vitres en polycarbonate, harnais six points, vérins pneumatiques pour faciliter les changements de gommes.
Vous reprendrez bien une petite louche de chronos ? 0 à 200 km/h en 4,36 s. 0 à 300 en 7,37 s. 0 à 500 km/h en 20,16 s. 0 – 400 – 0 km/h en 24,64 s (la Koenigsegg Regera détient le record en 31,49 s). 0 – 500 – 0 km/h en 33,62 s… Bien sûr, tout ces temps incroyables ne sont pour l’instant que théoriques, mais on peut toujours espérer que le proto camouflé aperçu sur le Paul Ricard partira à la chasse aux chronos dans la vraie vie, à la manière de la Porsche 919 Evo et de sa tournée des records du tour. On peut aussi rêver de voir Bugatti débarquer en endurance avec une Hypercar pur sucre… quitte à la brider à une puissance trois fois inférieure pour respecter le règlement.