Si je vous disais que cette année, quelqu’un allait lancer une nouvelle supercar sans hybridation. Ni même le moindre turbo. Et que ce moteur serait le V8 atmosphérique le plus puissant jamais commercialisé sur cette planète.

Ça vous en boucherait un coin, non ? Vous auriez raison d’être incrédule. Notamment après avoir lu que la nouvelle Ferrari cœur de gamme pouvait maintenant rouler en 100 % électrique. Vous vous demanderiez quel constructeur serait assez téméraire pour aller à contre-courant de l’establishment, quelle nation aurait à disposition un marché suffisamment vaste pour envisager de produire une telle machine en 2022.

Mais vous connaissez la réponse. Parce que vous savez reconnaître une Corvette quand vous en voyez une (et puis lire un titre et un chapeau, aussi). Aussi étonnant cela soit-il, celle-ci devrait être en vente libre en France d’ici 2023 si tout se passe bien. Avec 679 ch de fureur atmosphérique perchés à 8 400 tr/min, et une admission en titane.

Ces chiffres vous paraissent délirants ? C’est que nous ne parlons pas d’une brave Corvette C8 Stingray de base (à l’essai ici), mais de la Z06. Si la Corvette est la 911 de l’Amérique, alors ceci est sa GT3. Autant dire que dans le folklore automobile d’outre-Atlantique, il n’y a pas grand-chose qui puisse rivaliser.

1. Elle possède un moteur d’anthologie…

Je suis à Los Angeles, sur le parking qui coiffe centre commercial, les yeux plissés par un soleil aveuglant. Un rugissement de T-Rex sous mes pieds signale l’arrivée d’un duo de Corvette : une Z06, et une Z06 avec le pack Z07. Pensez GT3 et GT3 RS. Le béton étouffe à peine les vociférations des monstres là-dessous. Ce sont des voitures brutales, débordant de rage. La huitième génération de Corvette est la première à mettre le moteur derrière le conducteur, rompant avec 70 ans de tradition. Les énormes prises d’air derrière les portières ne laissent aucun doute à ce sujet. Pour le style, chacun ses goûts. Moi, je la trouve un peu clinquante, un peu « ma première supercar », mais je suppose qu’on peut leur pardonner puisque c’est leur première supercar. Reste qu’on est loin des flancs liquides d’une McLaren, des courbes rigoureuses d’une Porsche ou des clins d’œil rétro d’une Ferrari.

Ce qui compte vraiment se trouve en dessous. Car comme celui de la GT3, le moteur de la Z06 n’a rien à voir avec celui du modèle standard. Ce dernier reprend le fameux 6.2 small block alors qu’ici, on a affaire à un tout nouveau V8, le LT6. Un V8 5.5 à carter sec et vilebrequin plat emprunté à la C8.R de course. 679 ch, 623 Nm, 0 à 100 km/h en 2,7 s (même si cela n’inclut pas le « one-foot roll-out » en vigueur sur les pistes de drag, autrement dit les 30 premiers centimètres de lancement).

Plus explicite, le rapport poids/puissance : 405 ch/t, à comparer au 355 ch/t d’une 992 GT3 de 510 ch. Le couple maximal arrive à 6 300 Nm, donc il va falloir se retrousser les manches. Hélas, ce n’est pas aujourd’hui qu’on va la conduire. Il va pour l’instant falloir se contenter de titiller l’accélérateur au point mort.

2. … et il a l’accent italien

Au démarrage, on jurerait une Ferrari. Rapide, sans chichis. Ici, pas d’interminable blub-blub-blub avant la mise à feu. Ensuite, passez en D sur le sélecteur de boîte, appuyez sur M puis tirez et maintenez les deux palettes : tel est le cheat code pour s’aventurer dans les hauteurs du compte-tours. La comparaison avec Ferrari tient toujours. Le V8 n’est pas aussi strident et démonstratif que celui d’une 458, mais au moins il n’en fait pas trop. Le son est rugueux, sans filtre, comme dans une voiture de course. Idem pour la réponse à l’accélérateur : ça fuse vers le rupteur dès qu’on appuie, ça se retombe aussi sec quand on lève le pied. Vous voulez nouer des liens encore plus intimes avec ce moteur ? Si l’envie vous prend, vous pouvez aller à l’usine de Bowling Green (Kentucky) et vous joindre à la douzaine de loustics chargée d’assembler votre V8.

3. La suspension, les jantes et les freins ont été améliorés

La suspension a évidemment été revue, même si elle n’a pas changé aussi radicalement que le V8. La Z06 est 9 cm plus large que la Stingray. C’est énorme, mais il fallait bien loger les pneus monstrueux choisis par Chevrolet pour augmenter le grip latéral. 345 de large à l’arrière, soit 4 cm de plus que sur une C8 standard. Résultat, il a fallu dessiner des panneaux de carrosserie entièrement nouveau pour les accueillir. La Z06 profite aussi de jantes et de freins surdimensionnés. En option sur la Stingray, le différentiel piloté et la suspension magnétorhéologique sont ici de série, les ressorts sont plus fermes. La boîte a quant à elle vu son rapport de pont raccourci pour compenser en reprises le manque de couple de ce V8 atmo (10 Nm de moins que la C8 standard, près de 260 Nm de moins que l’ancienne C7 Z06 et son 6.2 à compresseur).

4. Elle est disponible en deux parfums

Les Américains adorent les chiffres : 0 à 60 mph, force g, tests de slalom, etc. La Z06 a tout ce qu’il faut pour cartonner dans chacune de ces stats. Mais si vous voulez en être doublement sûr, alors il faudra opter pour le pack Z07, qui devrait coûter dans les 10-15 000 €. Il inclut un nouvel aileron arrière procurant le double d’appui, soit 333 kg à la vitesse de pointe de 300 km/h. Ce qui ne veut pas dire grand-chose : l’appui aérodynamique, c’est plus utile entre 100 et 200 km/h. Et étant donné comment la déportance fonctionne (la racine carrée de l’hypoténuse divisée par l’âge du pilote, ou quelque chose comme ça), 333 kg à 300 km/h, ça se traduit par « pas tant que ça, en fait » à des vitesses plus usuelles. De rien pour la leçon de physique, ça nous fait toujours plaisir.

Pas exactement une voiture à appui, donc. Mais vous pouvez toujours vous offrir une suspension 15 cm plus raide, des freins carbone-céramique et des Michelin Cup 2R pour encore plus de grip. Et opter pour les jantes en carbone que vous pouvez voir à l’image, ce qui fait gagner 18 kg. À 1 560 kg, la Z06 pèse 150 kg de plus qu’une GT3 et conserve beaucoup des attributs de la voiture standard, à commencer par le panneau de toit amovible. La Z06 est aussi disponible sous la forme d’un véritable cabriolet (la Z07 orange en haut de la page) mais toutes les Corvette sont conduisibles cheveux aux vent. Le toit se range alors (à la main) dans le coffre derrière le V8, sans réduire à néant le volume de chargement de la Corvette puisqu’il y a aussi un petit coffre à l’avant.

5. L’intérieur présente bien

Si, si, c’est presque cossu. Dieu sait ce qui est passé par la tête du gars qui a configuré l’habitacle de celle-là, en rouge sur rouge, mais l’ergonomie est correcte, et la qualité perçue largement supérieure à ce que vous vous imaginez, je vous assure. Seul regret, il n’y a pas de boîte manuelle : la Z06 a raison d’être fière de son V8 atmosphérique, mais le seul choix en matière de transmission est une boîte double embrayage à huit rapports.

Est-ce que ça vous met l’eau à la bouche ? Là est la question. Sur moi, ça fonctionne. Je suis ouvert aux nouvelles technologies, mais plus de technologie – sauf si vous vous appelez Ferrari, comme en témoigne la nouvelle 296 GTB – veut dire plus de complications, et plus de distance entre le conducteur et l’émotion. La Z06 promet de l’émotion à portée de main.

Trouvera-t-elle un public en dehors des États-Unis ? Il n’est pas interdit de l’espérer. On pense à ce que Ford a réussi avec la Mustang, importée officiellement pour la première fois en Europe en 2015 et tout de suite devenue la voiture de sport la plus vendue du continent devant l’Audi TT. Espérons que la Z06 trouve les débouchés planétaires qu’elle mérite. Pas étonnant que ce soient les États-Unis, le pays qui vit au son du V8, qui aient produit quelque chose d’aussi magnifique au crépuscule du moteur à explosion.