Le tour de force technique est toujours impressionnant (avec des freins, ce serait encore mieux), et la plus-value réelle face à un Bentayga W12 standard. Mais à quoi bon ?
Des chiffres, SVP.
3,9, 306, 635. Ça ira, pour commencer ?
Le 0 à 100, la vitesse de pointe et la puissance, c’est bien ça ?
Exactement. Dans l’absolu, la fiche technique du nouveau Bentayga Speed est impressionnante. Aucun SUV n’est capable de rouler si vite (son cousin le Lamborghini Urus rend les armes 1 km/h avant), et ceux qui accélèrent aussi fort se comptent sur les doigts d’une main. Le principal problème pour Bentley est que le Bentayga standard, avec ses 608 ch, annonce déjà 301 km/h et 4,1 s. Les valeurs de couple sont d’ailleurs identiques (900 Nm), même si le pic est atteint 150 tr/min plus tôt sur le Speed.
Et combien coûte le Speed en plus pour aller à peine plus vite ?
245 160 €, soit presque 30 000 € de plus. À première vue, tout porte à croire que la différence est essentiellement cosmétique. À l’extérieur, on a par exemple des optiques assombries, des bas de caisse ton carrosserie, un gros becquet de hayon, une grille de calandre noire, des jantes 22 pouces inédites disponibles en trois finitions différentes, et bien sûr des badges Speed un peu partout. À bord, cela passe par des surpiqûres contrastées sur le matelassage, de l’Alcantara pour la première fois sur un Bentayga (le cuir est une option gratuite) et encore des monogrammes Speed sur les inserts, les seuils de porte, et brodés sur les sièges. Les sièges massants à 22 positions sont optionnels. Vous pouvez choisir d’habiller la planche de bord de carbone. Ne le faites pas.
L’allure du Bentayga Speed et l’atmosphère à bord sont donc un peu différentes et pour la majeure partie de la clientèle Bentley, c’est suffisant pour justifier cette modeste hausse de tarif. Et ne pas résumer ça à un bonus de 27 ch pour le prix d’un brelan de Dacia Sandero.
Donc l’essai est terminé, merci au revoir ?
Absolument pas, car Bentley a aussi peaufiné le comportement en reprogrammant le mode Sport et le pilotage électronique du différentiel. Ils ont aussi ajouté un échappement Akrapovic. Ce dernier est d’ailleurs la principale différence par rapport au Bentayga W12 standard : le grondement du moteur est bien plus clair et plus expressif en charge, tandis qu’on a droit à une symphonie de borborygmes et de déflagrations au lever de pied. Pas d’inquiétude, c’est parfaitement dosé. En cruising, on en revient à un discret ronronnement. La bande-son est juste assez présente pour qu’on la remarque, jamais outrancière. Bref, c’est très Bentley.
Notez que la Speed n’en a pas l’apanage : c’est aussi une option sur le V8. Tout comme les freins carbone-céramique d’ailleurs, qui ne sont pas en série sur le Speed mais que vous avez tout intérêt à cocher. Pas seulement pour le plaisir d’avoir les plus gros disques jamais montés sur une Bentley (je crois que j’écris ça pour chaque nouvelle Bentley), mais parce qu’ils sont chacun cinq kilos plus léger et peuvent supporter des températures allant jusqu’à 1 000°C.
Et pourtant, même eux ne sont pas à la hauteur de la tâche. Un gros freinage et ils commencent à fumer, tandis que la course de la pédale s’allonge très vite. Et vous les utiliserez souvent, parce que le Speed porte très bien son nom.
Ah ? Parce qu’il pèse quand même presque 2,5 tonnes, le bestiau…
Certes, mais ce n’est pas le genre de détail à tracasser un douze-cylindres 6.0 biturbo avec 900 Nm de couple. Ce moteur est vraiment herculéen. La vague de puissance se forme à 2 000 tr/min et déferle sans faiblir pendant les 4 500 tr/min suivants. Il y a un petit coup de pied aux fesses supplémentaire quand les turbos tournent à plein régime mais globalement, le W12 frappe fort, tout le temps, avec un temps de réponse négligeable.
Freins mis à part, le Speed se débrouille très bien en virage, y compris si vous entrez un peu plus fort que prévu. Comme beaucoup des fleurons du groupe Volkswagen, il utilise des barres antiroulis actives fonctionnant via un système électrique à 48 volts. En plus d’être parfaitement transparent à l’usage, c’est très efficace pour maintenir l’assiette de la voiture, et les bandes de roulement de quatre pneus 285/40 ZR22 bien en contact avec l’asphalte en toutes circonstances.
Résultat, le Bentayga Speed se joue des lois de la physique et se montre aussi implacable qu’on peut l’imaginer pour se rendre d’un point A à un point B, a fortiori dans le mode routier le plus sportif de l’éventail proposé sur son sélecteur (dans l’ordre, Custom, Comfort, Bentley, Sport).
Ils ont été recalibrés ?
En fait, Bentley n’a touché qu’au mode Sport, mais ça se voit tout de suite. Les réglages de la direction, de l’accélérateur et de la suspension ont été modifiés. Les modes « Bentley » (par défaut) et « Comfort » sont en revanche les mêmes que sur un Bentayga standard. Notez que les clapets d’échappement actifs sont ouverts dans les modes Sport et Bentley.
Le surcroît d’assise et de tranchant procuré par le mode Sport est particulièrement bienvenu sur le Speed, au point de s’imposer naturellement comme le mode le plus adapté au quotidien. L’accélérateur est plus réactif et plus prévisible et même si la direction est plus lourde, voire un peu collante à basse vitesse, dans la vraie vie tout ceci profite à la confiance et à la précision sans trop pénaliser le confort. Au pire, il suffit justement de basculer en Comfort si l’environnement devient trop hostile.
Mais franchement, est-ce qu’on s’amuse ?
C’est toujours rigolo de malmener un engin aussi énorme, mais la direction est pour ainsi dire muette et la consommation a de quoi faire tiquer le sultan de Brunei. 14 l/100 km en cruising, 21 ou 22 dès qu’on appuie un peu. Le Speed reste donc un plaisir coupable même si l’on a du foin dans les bottes.
Un conseil, optez pour une peinture discrète. Ce n’est toujours pas une jolie voiture mais avec ces touches sombres (et l’arrivée des Rolls Cullinan et BMW X7, c’est vrai), l’impact est un peu moins violent. En tout cas sur les rétines, parce que pour tout le reste, c’est bien le Bentayga le plus violent à ce jour.
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