BMW M5

D'accord, la BMW M5 a toujours été un hymne à la démesure. Mais avec son V8 hybride de 727 ch et ses 2,4 t, la nouvelle ne va-t-elle pas trop loin ?

Ollie MARRIAGE
Publié le : 7 janvier 2025

7 10

« La M5 la plus puissante de l’histoire est peut-être aussi la moins excitante. L’hybridation lui a fait perdre à la fois en caractère et en subtilité »

Les plus Autonomie électrique, pas de malus, ultraperformante, ultra-efficace, ultraconfortable
Les moins Poids démentiel, technologie envahissante, ergonomie complexe... Plus vraiment une M5 dans l'âme

Qu’est-ce que c’est ?

La nouvelle M5, septième d’une lignée épique de superberlines. Et cette fois, la recette a vraiment été chamboulée. Certes, on le disait déjà à chaque variation du nombre de cylindres, lors du passage à la suralimentation ou à la transmission intégrale. Mais jugez plutôt : la M5 est désormais une hybride rechargeable dont la batterie de 18,6 kWh lui offre jusqu’à 69 km d’autonomie WLTP en mode électrique, et lui permet d’échapper à tout malus écologique.

On ne va évidemment pas se plaindre de payer (beaucoup) moins mais tout ça ne fait pas très M5, il faut bien le dire. Cette sagesse affichée s’accompagne toutefois d’une récompense : quand le moteur électrique (logé dans la boîte) n’est pas occupé à mouvoir la voiture à lui tout seul, il ajoute 197 ch et 280 Nm aux 585 ch et 750 Nm du V8 4,4 biturbo (repris à la génération précédente). Soit un total pouvant atteindre 727 ch pour 1000 Nm.

Mon Dieu, mais c’est hénaurme !

727 ch, c’est effectivement colossal. Des roues arrière directrices, un différentiel arrière actif et une multitude d’aides à la conduite personnalisables permettent de faire de ce fauve un gentil matou si vous en avez envie. Et bien sûr une transmission intégrale, comme sur la précédente génération. Elle est typée légèrement propulsion par défaut, et l’on peut accentuer ce trait en jouant avec les réglages, jusqu’à la transformer en pure deux roues motrices si l’on tient à fumer les pneus arrière. Littéralement : le couple démentiel vaporise alors instantanément les gommes.

Réenclenchez la transmission intégrale, activez le launch control et vous passerez de 0 à 100 km/h en 3,5 s pour atteindre ensuite 250 km/h sur Autobahn. Ou 305 km/h, toujours sous bride électronique, si vous avez coché le pack Expérience M à 2 500 €.

Pas mal, mais je me serais attendu à mieux…

Et vous auriez eu raison, car les performances ont effectivement régressé par rapport à l’ancienne M5, qui se contentait à son lancement de 3,4 s sur le 0 à 100 km/h malgré « seulement » 600 ch et 750 Nm.

C’est parce que la précédente génération ne pesait « que » 1 855 kg, soit un rapport poids/puissance de 3,1 kg/ ch à comparer aux 3,3 kg/ch de sa remplaçante. La nouvelle M5 pèse en effet 2 435 kg. Il n’y a pas de faute de frappe : elle a pris presque 600 kg en l’espace d’une génération. Le poids d’une Caterham en plus. Et quelque chose qui affecte inévitablement toute l’expérience de conduite.

Elle reste tout de même amusante ?

Hum. C’est là que ça devient intéressant. La nouvelle M5 reste terriblement véloce, feuille de chronos à l’appui. Le launch control est aussi efficace que régulier, le grip est excellent la plupart du temps, même en mode propulsion. La profusion de réglages dans les menus vous permettra de trouver un compromis entre dynamisme et adhérence qui dissimule avec brio les presque 2,5 t de la bête. Au volant, la M5 ne ne semble vraiment pas si lourde.

Jusqu’à ce qu’on commence à s’attarder sur les signaux secondaires. Ni la direction ni les freins n’offrent vraiment de ressenti et, si la motricité finit par manquer et que la caisse se met à gigoter, la masse peut finir par reprendre le dessus. Les commandes sont précises, mais muettes.

Cela n’empêche pas la M5, sur un terrain roulant, d’avaler les distances avec autorité. Elle est magistrale sur autoroute (ou de préférence sur Autobahn illimitée). Mais quand on commence à hausser le rythme, on prend conscience de la myriade de systèmes qui négocient à chaque instant avec les lois de la physique. Résultat, la conduite de la M5 ne paraît pas tout à fait naturelle, avec un côté jeu vidéo.

Par exemple, on peut définir un réglage « Boost » en tirant la palette de gauche pendant plus d’une seconde pour exacerber la réponse mécanique avant un dépassement. Le « BOOST » en majuscules apparaît alors sur l’affichage tête haute et clignote façon disco. Autrefois, on appelait ça un kickdown, et il suffisait de mettre le pied au plancher pour l’obtenir.

J’imagine que beaucoup de choses sont personnalisables ?

Tout, ou presque. On peut jouer avec une douzaine de réglages, de l’affichage des écrans jusqu’à la cartographie de la pédale de freins. Dieu merci, il y a deux boutons raccourcis « M » au volant. Mais il y a tellement de combinaisons possibles que mettre le doigt sur la bonne est un travail de fourmi. Cette abondance devient frustrante.

Le son canalisé dans l’habitacle est est très numérique. De l’extérieur, la M5 est loin d’être bruyante, et les pétarades qu’elle laisse échapper dans les modes les plus agressifs sont toujours les mêmes. Là aussi, on entend plus des lignes de code que l’expression organique d’un effort.

Il y a aussi ces soubresauts caoutchouteux qui accentuent chaque rupture de charge à la montée des rapports. C’est censé faire plus sportif mais en pratique, on a juste l’impression que les supports moteur ont trop bu. Globalement, c’est amusant au début, mais on en vient vite à regretter que cette M5 ne soit pas une voiture plus simple, avec une idée mieux arrêtée de ce qu’elle veut être. Oui, la possibilité de rouler en 100 % électrique est bien utile et remarquablement exploitable, mais ce n’est pas par son sens pratique et son efficience que l’on devrait définir une M5.

Vous la trouvez belle ?

Pas particulièrement. La Série 5 standard n’est pas la berline la plus gracieuse du monde, et le kit carrosserie de la M5 n’a rien de subtil. L’avant est copieusement aéré est les ailes ont été complètement redessinées pour accueillir des voies élargies de 75 mm à l’avant et 45 mm à l’arrière, avec des jantes de respectivement 21 et 22 pouces.

C’est musclé, mais pas tout à fait assez. Ca manque de présence à côté des épaules d’une Audi RS6 ou RS7.

À la poupe, on trouve un nouveau diffuseur, deux doubles sorties d’échappement et un fin becquet en carbone sur le couvercle de malle. Ajoutez à ça tout l’accastillage M et ses innombrables options sauce carbone. Le toit peut être panoramique ou en fibre de carbone pour gagner 30 kg. Ce n’est toujours pas joli, mais au moins ça sert à quelque chose.

Combien ça coûte ?

159 050 €. C’est beaucoup mais dans le paysage actuel des routières sportives, c’est finalement presque raisonnable grâce à l’hybridation qui permet de s’épargner les 60 000 € de malus CO2 auxquelles sont actuellement soumises une Audi RS7 Performance (630 ch, 158 830 € avant malus) ou une Panamera GTS déjà plus chère et moins performante (167 787 € avant malus, pour « seulement » 500 ch). Chez Mercedes-AMG, on attend une prochaine E63 qui devrait riposter frontalement, mais il y a déjà au catalogue une autre hybride rechargeable exemptée de malus C02 : la E53, dont le 6 cylindres en ligne électrifié de 585 ch est affiché à 113 150 €.

Les seules hybrides rechargeables capables de rivaliser avec la M5 sont nettement plus chères qu’elles : Panamera Turbo E-Hybrid (680 ch, 200 434 €, pas de malus), AMG GT 63 S E Performance 4 portes (843 ch, 225 901 €… et un malus CO2 de 60 000 € en dépit de l’hybridation).

Les autres voitures avec lesquelles on pourrait hésiter sont des SUV. D’habitude, nous aurions tendance à dire qu’il y a un gouffre en plaisir de conduite par rapport à une berline, mais dans le cas présent, l’écart se resserre sensiblement.

Mais surtout, quitte à prendre une M5, on pourra se tourner vers le break, qui fait son grand retour sur cette génération moyennant 3000 € de plus.

Quel est le verdict ?

La M5 est devenue une voiture définie par la sophistication de ses assistances, et par son bon sens. Une voiture remarquablement compétente à bien des points de vue. Mais une M5 a toujours été un hot-rod en costume. Une voiture avec un penchant rebelle, que l’hybridation et ses conséquences sur le poids ont ici largement aseptisé.

Nous ne sommes pas en train de dire que les superberlines devraient revenir à la boîte méca et se passer d’airbags, attention. Mais cette auto évoque plus une super-Série 5 qu’une M5 à proprement parler. On penserait même presque davantage à une i5 surpuissante : elle peut produire les chiffres qu’il faut et dévorer la route, mais cela ne semble pas l’intéresser beaucoup lorsqu’elle s’y colle. Elle a perdu en caractère, elle n’a pas l’âme qu’on serait historiquement en droit d’attendre dans une M5.

En savoir plus à ce sujet :

BMW M5

Année
2024
Prix mini
159050 €
Type de moteur
Hybride rechargeable
Longueur
5906 mm
Largeur
1970 mm
Hauteur
1510 mm
Poids
2435 kg
Boîte de vitesses
automatique
Nombre de rapports
8
Transmission
intégrale
Puissance
727 ch
Couple
1000 Nm
0 à 100 km/h
3.5 s.
Vitesse max
250 km/h
Conso
1.6-1.7 l/100km
Rejets
37-39 g/km CO2
Capacité
22.1 (brut)
Autonomie
63-69 km

thermique

Type
Thermique
Nombre de cylindres
8
Cylindrée
4395 cm³
Alimentation
biturbo
Type carburant
essence
Puissance
585 ch
Couple
750 Nm

électrique

Type
Électrique
Position
AV
Puissance
197 ch
Couple
280 Nm