Renault Mégane RS Trophy-R

La traction la plus rapide sur le Nürburgring est LA Mégane RS qu'on attendait

Stephen DOBIE • Niels de GEYER
Publié le : 5 juillet 2019

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Rhââ lovely. On commençait à se faire du souci pour la Mégane IV RS mais cette Trophy R démontre que lorsqu'il s'agit d'affûter une compacte sportive au maximum, il y a toujours Renault Sport et les autres. En espérant que cet époustouflant travail de mise au point rejaillisse bientôt sur la Mégane RS standard...

La nouvelle reine du Ring, c’est ça ?

C’est ça. Voici la Renault Mégane RS Trophy-R, un nom à rallonge pour une voiture d’une lumineuse simplicité.

Les geeks pourront passer des heures à disséquer sa fiche technique, mais prenez un peu de recul et vous verrez qu’il s’agit juste d’une Mégane hardcore obéissant à une recette on ne peut plus familière : enlever toutes les pièces superflues, chausser des pneus qui collent, regarder les temps au tour tomber et le funomètre grimper en flèche.

Quel est le gros titre ?

Un chrono record de 7 minutes et 40,1 s sur le Nürburgring, ce qui en fait la traction de série la plus rapide sur un tour de la Nordschleife. À l’heure où nous écrivons ces lignes en tout cas… Le tout avec 300 ch, soit 20 de moins que la Honda Civic Type R à laquelle elle vient de mettre 3 secondes.

C’est d’autant plus impressionnant que Renault a signé son record le 5 avril par des températures très fraîches, loin de la fenêtre idéale de fonctionnement de ses Bridgestone Potenza S007.

Mais alors, c’est quoi le truc ?

Le poids. Ou plutôt son absence. Renault a en effet dégraissé sa RS Trophy standard de 130 kg, soit plus que le régime infligé à la Mégane R26R originelle avec ses légendaires vitres en Lexan. La nouvelle Trophy R reste fidèle au verre mais va encore plus loin pour tout le reste.

Une nouvelle fois, la banquette arrière a disparu (- 25,3 kg) et les sièges ont été remplacés par des baquets Sabelt sur mesure (- 14 kg), avec des harnais en option (n’oubliez pas de les cocher). Le capot à prise d’air NACA est en composite (- 8 kg), l’échappement Akrapovič en titane (- 7 kg), et l’essuie-glace arrière n’est plus là (- 3 kg).

Renault Sport est allé jusqu’à remplacer l’écran multimédia par le plus petit de son catalogue (- 250 g). On est perfectionniste ou on ne l’est pas… La marque a cependant estimé inutile de se passer de système infotainment et de climatisation comme elle le proposait sur la précédente RS 275 Trophy R, les clients n’ayant pas été sensibles à cette attention. C’est par là qu’on accède au sélecteur de mode, qui culmine en « Race » où l’ESP est totalement désactivé.

Ça ne fait pas 130 kg, si ?

On a gardé le meilleur pour la fin. La liste des options inclut des freins carbone-céramique et des roues en carbone (- 18 kg pour l’ensemble), une première hors supercars. Par ailleurs, la technologie phare (et la plus controversée) de la Mégane IV RS, ses roues arrière directrices, ont disparu: cela représente 40 kg en moins sur le train arrière, et des réglages complètement revus pour éviter que la voiture ait soudain le nez trop lourd.

Renault a notamment appliqué un carrossage négatif sur les roues avant, a greffé à la Mégane des amortisseurs réglables Öhlins tandis que la garde au sol est ajustable sur 16 mm (à l’avant ou à l’arrière séparément pour parfaire l’équilibre) avec un simple outil.

La direction a elle aussi été recalibrée en conséquence et le volant est maintenant garni d’Alcantara dans sa totalité (plutôt que bêtement en haut et en bas sur la Trophy, c’est-à-dire là où on ne le tient jamais). Boîte manuelle obligatoire : c’est plus léger que la boîte à double embrayage optionnelle sur les autres versions. À la fin, si on a tout coché, on arrive à 1 306 kg en ordre de marche.

Une voiture pour les vrais, donc…

Officiellement, les roues arrière directrices et la boîte auto ont disparu en raison de leur masse. Nous soupçonnons plus précisément que les premiers mulets en disposaient, et que Renault Sport a fini par s’en débarrasser en jugeant que leur surcroît d’efficacité ne compenserait pas leur surpoids.

Nous sommes heureux qu’ils soient arrivés à cette conclusion : le 4Control a paradoxalement contribué à banaliser la Mégane RS parmi les autres compactes sportives. La Trophy-R est un réjouissant retour aux sources. Influencera-t-elle le reste de la famille Mégane RS lors d’un prochain restylage ? On l’espère vivement tant le toucher de route de cette Trophy-R est redevenu limpide, en tout cas sur circuit. Ce sera peut-être différent sur petite route, mais notre expérience avec l’ancienne 275 Trophy-R nous fait penser qu’il n’en sera rien. Idem pour la qualité de l’amortissement.

Selon les ingénieurs Renault, la Mégane RS Trophy-R traduit « un parti-pris d’efficacité pure au service exclusif de la performance pour pilotes exigeants. » Elle s’adresse donc aux purs parmi les purs : comprenez qu’il n’y a pas de talon-pointe automatique, qu’il faut bien la tenir quand on freine fort et que le train arrière peut avoir son petit caractère si l’on est brutal en courbe avec les freins ou l’accélérateur, volontairement ou non.

Miam.

Je ne vous le fais pas dire. Bon, le pommeau de boîte a toujours une forme anti-ergonomique au possible, mais les verrouillages sont tellement rapides qu’on l’oublie rapidement. L’implication que cette voiture réclame à son pilote est physiquement addictive. Après quelques tours de reconnaissance à Zolder, j’étais déjà en train de freiner partout à la limite, d’exploiter le moindre centimètre de vibreur et de pousser chaque rapport jusqu’au rupteur.

Il faut vraiment se retrousser les manches avant de voir arriver un survirage franc et massif, mais la transparence des réactions de la Trophy R est telle que repousser ses propres limites en explorant celles de la voiture devient instinctif. Moyennant quelques réglages des amortisseurs et de la hauteur de caisse, on peut augmenter (ou diminuer) la difficulté de l’exercice à volonté.

Je suppose qu’elle n’est pas donnée ?

Ah oui. Le prix. J’ai pris garde à ne pas le mentionner au début pour éviter tout jugement hâtif : à partir de 55 000 €. Auxquels il faudra ajouter 7 340 € de malus au barème 2019, et la multitude d’options nécessaires pour obtenir la Mégane RS ultime… Entre les freins carbone-céramique et les jantes en carbone (un pack réservé à seulement 30 voitures), autant vous dire tout de suite que la facture pourra dépasser les 80 000 €. Si ça peut vous rassurer, les stickers ne sont pas obligatoires.

Ce tarif astronomique n’empêche pas Renault de nous assurer qu’une bonne partie des 500 exemplaires prévus sont déjà vendus. Il faut dire que selon la marque, l’acheteur-type a déjà dans son garage une Porsche 911 GT3 RS ou une Ferrari 488 Pista. Et il a parfois envie de quelque chose d’un peu moins délicat pour pouvoir vraiment se lâcher sur circuit. Le genre de garage idéal pour lequel je donnerais bien un rein, tiens. Voire deux.

Excusez-moi, j’ai buggé après « 80 000 € ». Vous disiez ?

Oubliez. Qu’elle soit dans vos moyens ou non, l’arrivée de cette voiture est une formidable nouvelle. Aussi pure que ses devancières, mais encore un cran au-dessus en performances et en grip, elle témoigne que Renault Sport n’a rien perdu de son art malgré ses quelques errements récents. C’est bien simple, on dirait presque une voiture d’il y a dix ans, à l’époque où la mécanique pure primait sur la technologie. Une sportive old school comme on les aime.

D’accord, son prix risque de la mettre peu ou prou en face d’une Porsche Cayman GT4. Mais c’est parce que toutes deux parlent exactement la même langue, avec une simple différence d’accent. Espérons maintenant que les ingénieurs qui s’occupent des Mégane RS du peuple (à moins de 40 000 € en entrée de gamme) aient regardé discrètement par-dessus l’épaule de leurs collègues.

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