L’avis de Paul Horrell sur… les carburants synthétiques

La recherche sur les carburants de synthèse est prometteuse mais, pour Paul, c’est maintenant qu’il nous faut réduire nos émissions de carbone, pas dans vingt ans.

Paul Horrell
Publié le : 26 septembre 2023

Sur le papier, les carburants de synthèse sont une idée de génie. Trouver une façon de capter le CO2 de l’atmosphère, ajouter de l’hydrogène pour le transformer en méthanol, puis en “eFuel” avec des additifs. Comme ça, quand vous le consommez, vous renvoyez le CO2 là d’où il vient plutôt que d’en générer à partir d’hydrocarbures stockés dans le sol depuis des millions d’années. Un jeu à somme nulle, qui fonctionne de surcroît avec toutes les voitures essence et les stations-service que nous avons déjà sous la main. Elle est pas belle, la vie ?

Quant à ce carbone capturé, on peut laisser la nature le produire. Les plantes absorbent du CO2 en poussant. Il est possible de prendre ces plantes et de les transformer plus ou moins directement en carburant. Pas simple, mais faisable. Sauf que tout le monde est d’accord pour dire qu’il est stupide d’utiliser ces végétaux pour nourrir des voitures plutôt que des gens. Ou de raser des forêts entières pour créer des parcelles dédiées à ce type de culture. Il faut donc sourcer des déchets végétaux qui n’empiètent pas sur la production alimentaire. C’est ce qu’on a appelé les biocarburants de 2e génération.

Coryton est une entreprise britannique qui s’en est fait une spécialité. Ils utilisent de la paille, des fanes de betteraves à sucre, des restes de bois de l’industrie du papier, de la vieille huile de friture, tout ce qui leur tombe sous la main. C’est fascinant. Je leur ai donc posé LA question : y a-t-il assez de ces déchets végétaux pour remplacer ce qui sort des puits de pétrole ? Ils disent avoir du mal à quantifier, mais sont sûrs d’une chose : on en est très, très (très !) loin. Leur production annuelle totale correspond actuellement à un jour de la consommation britannique de carburants pétroliers conventionnels.

Ce n’est donc pas gagné. Une autre idée : Porsche a mis sur pied une usine qui utilise du CO2 capté directement dans l’air grâce à des machines dernier cri. En parallèle, des électrolyseurs séparent de l’eau en hydrogène et en oxygène. Plus loin sur la chaîne, l’hydrogène et le CO2 sont combinés pour faire du méthanol, puis le méthanol est converti en essence. Toutes ces étapes requièrent de l’électricité, produite par des éoliennes. Autant charger directement la batterie d’une voiture électrique… Mais Porsche a choisi un endroit où il y a beaucoup de vent et peu de voitures : le sud du Chili. Or il est bien plus coûteux de transporter de l’électricité sur de longues distances (sans parler des pertes) que de l’essence.

Comme pour les biocarburants, les quantités produites actuellement par Porsche sont infimes. Cela peut changer. Mais ces procédés ne seront financièrement viables que si les États reconnaissent leur potentiel en matière de réduction des émissions, et leur appliquent une fiscalité similaire à celle de l’électricité (basse) plutôt qu’à celle du pétrole (très élevée).

Et le moindre petit pas est bon à prendre pour décarboner dès maintenant. Cela signifie réduire les émissions de CO2 des voitures thermiques pendant qu’elles ont encore droit de cité. Il faut aller progressivement vers la neutralité carbone, pas faire semblant d’espérer une chute des émissions du jour au lendemain en 2050.

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