Ceci, les enfants, est une Jaguar XJ-R 15. Les constructeurs ont tendance à faire le coup de la « voiture de course pour la route » dès qu’ils sortent quelque chose qui accélère plus fort qu’un tracteur tondeuse, mais là, on parle littéralement d’une voiture de course avec des plaques. Et rare, avec ça : elle n’a été construite qu’à 53 exemplaires, dont seuls 27 ont été homologués pour la route (au Royaume-Uni). Les autres étaient destinés à un trophée monotype.
Ce genre de voiture est rarement donné. Il y a bien longtemps, quand un certain Tiff Needell avait secoué la XJR-15 à Silverstone pour Top Gear version préhistoire (1991), Jaguar s’apprêtait à commercialiser la voiture à 500 000 £. Ce qui correspondrait à environ 1,1 million de livres de nos jours, soit 1,3 million d’euros. Une petite somme, déjà.
Désormais, RM Sotheby’s en demande 1,45 million de livres, soit 1,73 million d’euros. C’est beaucoup, oui. Mais à bien y réfléchir, peut-être pas tant que ça pour un engin aussi rare, aussi charismatique et fort d’un tel pedigree.
La structure monocoque en fibre de carbone, par exemple, est empruntée à la XJR-9 victorieuse au 24 Heures du Mans 1988. Les lignes de la sublime carrosserie, elle aussi en fibre de carbone, sont signées Peter Stevens, l’homme qui dessinera un peu plus tard la McLaren F1. Ce n’est pas cette dernière mais bien la XJR-15 qui restera comme la première voiture de route construite en fibre de carbone. Vous aurez peut-être noté les feux arrière de Mazda 626 coupé, parce qu’il n’y a pas de petites économies.
Le V12 atmosphérique est lui aussi issu du bloc de la XJR-9, dégonflé d’un litre et assagi afin de pouvoir démarrer sans l’intervention d’un commando de mécaniciens. 6,0 l, 450 ch : pas si impressionnant aux standards actuels, mais on parle aussi d’un couple considérable et surtout disponible sur une plage immense (570 Nm à 4 500 tr/min), pour emmener une voiture de 1 050 kg toute mouillée. Soit presque une demi-tonne de moins que la future XJ220 et son plus roturier V6 turbo, celle qui passera à la postérité comme la supercar Jaguar. L’histoire est parfois curieusement sélective.
Et si vous doutez de la bestialité de la XJR-15, sachez qu’elle était livrée avec deux micro-casques de pilote de chasse, reliés à un système interphone : c’est en effet la seule façon d’espérer communiquer avec votre passager. Sans ça, on ne s’entend même pas parler soi-même, selon un propriétaire. C’est aussi ça, une voiture de course.
Cet exemplaire affiche 2 192 km au compteur. Ce n’est même pas la moitié de ce qu’a parcouru la XJR-9 victorieuse au Mans en 1988. Prière donc au futur acquéreur de faire rouler cette XJR-15 comme elle le mérite, c’est-à-dire comme une voiture de course.