GT

Tout ce qu’il faut savoir sur la McLaren GT

Forte de 620 ch, la McLaren GT promet de concilier sport et confort comme personne

Paul HORRELL • Niels de GEYER
Publié le : 16 mai 2019

Tout le monde préfère les spécialistes. Quand une entreprise a une expertise précisément identifiée, vous lui faites confiance. Dînez dans un restaurant où la carte est interminable, et vous avez toutes les chances de vous faire avoir. Certes, il existe peut-être dans le monde une brigade capable d’exceller simultanément dans la gastronomie bretonne, napolitaine et bengali. Mais le plus probable, quand il y a trop d’options sur le menu, c’est que votre plat aura fait un petit détour par le micro-ondes entre le congélateur et votre assiette.

Ce n’est pas le genre de McLaren. À Woking, il n’y a pas de micro-ondes (seulement des autoclaves). La spécialité de la marque, ce sont les supercars biplaces tout carbone avec un V8 dans le dos. Et elle fait ça très, très (très, très) bien. Pourtant, est-ce que le monde lui en sait gré ? Non : le monde veut de la cuisine multiculturelle, du sushi-couscous-paëlla. Et ne se prive pas de réclamer à Woking ici une voiture à moteur avant, là une quatre-places, ou un @#& de SUV.

Par ailleurs, il faut bien avouer qu’il y a de quoi perdre son latin en parcourant le catalogue de plus en plus labyrinthique du constructeur. Tant de nuances autour d’une même base, et si peu de différences entre toutes ces versions. Voyez la 570GT, qui devait incarner une version soft et voyageuse de la 570S, mais ne s’en distinguait vraiment que par son coffre un peu plus vaste et plus accessible sous sa bulle. Grosso modo, la gamme McLaren actuelle se décompose en trois niveaux de température : chaud (la famille 570/600), bouillant (720) et plasma (Senna).

La Speedtail a marqué le début de la diversification. Ne l’ayant pas encore conduite, nous ne savons pas comment appréhender la notion d’ « hyper GT » en pratique. Mais le poste de pilotage central et la silhouette de limande laissent présager une auto réellement différente du reste de la gamme.

Et voilà que débarque aujourd’hui une nouvelle McLaren, issue elle aussi d’un cahier des charges inédit. Une voiture destinée à être utilisée plus souvent et/ou conduite sur de plus longues distances. Plus pratique et plus confortable que ses sœurs. La McLaren GT (oui, ils ont cherché loin).

Si McLaren ne s’est pas ratée dans le dosage, cette nouvelle auto aura un joli coup à jouer. Parmi ses rivales, la marque cite en effet les Aston Martin DB11, Ferrari Portofino, Porsche 911 Turbo S, ou la Bentley Continental. Autant de voitures nettement plus lourdes et moins sportives. Et paradoxalement dotées d’un coffre moins accueillant que cette nouvelle McLaren. C’est donc le pitch de Woking : plus de sens pratique que la concurrence, mais plus de sport malgré tout.

Au premier regard, pas de doute : c’est une McLaren. Mais une autre espèce de McLaren, si l’on s’attarde un peu sur sa silhouette. Celle-ci est plus longue, plus ample que celles des pures supercars habituelles. Le travail sur l’aérodynamique est moins explicite. Idem à bord : même si McLaren ne se laisse pas aller à une débauche de cuir et de bois, cet habitacle est très avenant dans le registre du luxe minimaliste.

Le concept de Grand Tourisme est né il y a 70 ou 80 ans, quand quelqu’un a eu l’idée de prendre une voiture de course et de lui greffer une carrosserie à même d’embarquer plus confortablement deux (riches) personnes. McLaren insiste encore aujourd’hui sur les performances. Le PDG Mike Flewitt proclame ainsi sans complexe que la nouvelle venue « allie des performances de voiture de course à un confort transcontinental, le tout sous une carrosserie élégante et ultralégère. »

Ces temps-ci, les riches ont tendance à opter pour l’avion à partir d’une certaine distance, mais la mystique du roadtrip existe toujours. Délaisser le brouhaha des aéroports pour se laisser hypnotiser par les kilomètres qui défilent sous les roues d’une McLaren… « Elle a été conçue pour les longues distances, et offrira tout le confort et l’espace d’une Grand Tourisme, mais avec un niveau d’agilité sans précédent sur ce segment », promet Mike Flewitt. Après tout, entre Paris et Monaco, les cols alpins ne sont pas bien loin de l’autoroute.

Une chose est sûre, si assez peu d’automobilistes s’adonnent à ce genre de plaisir, ceux qui le font choisissent des montures qui s’y prêtent. Dans la fenêtre des 100 à 250 000 euros, il se vend ainsi deux fois plus de GT chaque année que de pures voitures de sport. Et comme McLaren s’est jusqu’à présent cantonnée aux supercars plus ou moins radicales, cette GT à 199 500 € constitue une excellente opportunité. Mais si toutes les GT de l’establishment ont opté pour un moteur avant, n’y a-t-il pas une raison ?

L’espace habitable, par exemple. Il me semble, dis-je à Rob Melville, que les acheteurs de GT veulent des 2+2. Ce qui exclut de fait une architecture à moteur central arrière (en tout cas depuis la Ferrari Mondial, la Lotus Evora étant plus démocratique et tenant davantage de la voiture de sport). « Non, ils veulent une GT comme dans L’Or se barre, m’assure-t-il. Quelque chose de léger, de beau, avec un vrai coffre. Les places arrière ne sont qu’un alibi, personne ne les utilise jamais pour y mettre autre chose que des bagages. »

Melville me parle plutôt de toutes les petites attentions que la nouvelle McLaren porte à ses passagers dans la vraie vie. La position de conduite a été rehaussée pour diminuer les contorsions quand il faut entrer ou sortir. La hauteur du système d’admission et donc celle du moteur a été réduite, ce qui a permis de dégager 420 litres au-dessus pour les bagages. S’y ajoutent 150 litres à l’avant, soit 570 au total. D’habitude, nous ne nous attardons pas sur le volume du coffre quand nous parcourons la fiche technique d’une supercar, mais les chiffres suivants en disent beaucoup : moins de 300 litres pour la Portofino et la DB11, 358 pour la Continental, 115 pour la 911. On comprend mieux pourquoi leurs propriétaires utilisent les « sièges » arrière comme compartiment à bagages.

C’est pour cette raison que la GT est plus encombrante que la 720S. Melville explique que son équipe a dû allonger un peu la poupe pour bien englober visuellement le coffre, et ensuite faire de même sur le museau pour équilibrer la silhouette. « Elle conserve un vrai dynamisme formel, qui rappelle son lien avec la compétition mais d’une façon subtile et élégante. Le nez plus haut crée un thème horizontal, et non en coin comme sur nos autres voitures. Elle a aussi de plus grosses jantes : 20 et 21 pouces. » À 4,68 m de long, elle reste plus courte que l’Aston.

Plusieurs autres choix de conception en font une auto vivable au quotidien. Pour éviter de racler la moindre rampe de parking, le spoiler avant reste à une hauteur raisonnable. Pour les dos d’âne les plus fourbes, il est même possible de surélever ponctuellement le museau (en option). L’angle d’attaque correspond alors à celui d’une Mercedes Classe C. La visibilité est excellente dans toutes les directions. À cause du hayon, il n’y aura pas de version Spider, mais on pourra se consoler avec un toit en verre photochromique optionnel.

Les liaisons au sol, maintenant. La suspension n’est pas juste une version assouplie de celle de la 720S, même si les ressorts et les amortisseurs ont bien sûr été recalibrés. La direction a elle aussi été revue pour plus de stabilité en ligne droite. Les pneus sont spécialement conçus pour limiter les bruits de roulement, et peuvent être remplacés par des pneus hiver. Les freins sont en acier, pas en composite, parce que ces derniers ne servent pas à grand-chose sur la route. Leur assistance a été recalibrée pour plus de douceur à basse vitesse. Les nouveau bras de suspension avant améliorent la filtration des petites aspérités, et McLaren a employé de nouveaux insonorisants et du verre antibruit. Selon les ingénieurs, la GT est ainsi plus silencieuse que la Ferrari et l’Aston Martin.

Rassurez-vous, vous entendrez le moteur. Les nouveaux systèmes d’admission et d’échappement lui donneront un timbre plus profond que sur les autres McLaren. Le taux de compression a également été revu à la hausse au profit de la réactivité, et les turbos sont à faible inertie. La puissance pure n’est pas la priorité. Ce qui compte, c’est la souplesse et la disponibilité du couple.

Laissons parler les chiffres. La puissance atteint 620 ch à 7 500 tr/min, et on pourra pousser jusqu’à 8 500 tr/min. Le couple s’élève à 630 Nm à 5 500 tr/min, dont 95 % seront accessibles de 3 000 jusqu’à 7 250 tr/min. OK, il y a 100 ch de moins que sur la 720S, mais les performances de cette dernière sont surréalistes et la GT sera tout sauf ennuyeuse. McLaren annonce 3,2 s sur le 0 à 100, 9 s sur le 0 à 200, et 326 km/h en pointe. La masse s’établit à 1 535 kg.

J’ouvre la portière, en élytre comme sur toutes les McLaren. Sauf que sur celle-ci, la fermeture est assistée électriquement sur les derniers millimètres. À l’intérieur, le luxe est discret mais présent. Il sera notamment possible d’opter pour une sellerie en cachemire. Le coffre adopte un revêtement ultrarésistant SuperFabric, développé à l’origine pour la NASA. Les commodos font la part belle à l’alu moleté, tandis qu’un éclairage LED d’ambiance souligne délicatement les contours de l’habitacle. Les compartiments de rangement, dont certains sont dissimulés par des couvercles capitonnés, sont éclairés de l’intérieur et plus nombreux qu’à bord des supercars de la marque.

Le menu de sélection « Active Dynamics » des autres McLaren est toujours de la partie, ce qui est une bonne nouvelle. En revanche, le système infotainment habituel a disparu. Ce qui est aussi une bonne nouvelle. À la place, on trouve un nouveau système à écran tactile, animé par 10 processeurs à quatre cœurs qui le rendent cinq fois plus réactif que l’ancien. Le GPS utilise la cartographie haute définition du leader du marché HERE et tient compte du trafic en temps réel, une donnée vitale pour une voiture appelée à voyager au long cours. Une hi-fi Bowers & Wilkins à 12 haut-parleurs figure au catalogue.

Les assistances à la conduite, elles, brillent par leur absence. Pas d’aide au changement de file, ni même de régulateur adaptatif. On m’explique que le sujet est à l’étude pour de futures mises à jour. Ce ne serait pas de trop : la vie en GT n’est pas rose tous les jours et ces systèmes, bien utilisés, peuvent rendre une auto beaucoup plus relaxante à conduire sur un interminable trajet autoroutier parsemé de radars et de bouchons.

La coque est en fibre de carbone mais la peau est en aluminium. McLaren a abordé l’aérodynamique avec sa minutie habituelle. Par rapport à a Senna et son dessin de tiroir à couverts, le résultat est nettement moins extraverti. La vocation plus subtile de la GT excluait de toute façon de faire appel à des ailerons trop envahissants. À l’avant, les entrées d’air sous les fines optiques alimentent l’échangeur. Les larges hanches intègrent celles du radiateur de refroidissement.

Le résultat de tout cela ? Les ingénieurs sortent un diagramme résumant les prestations de la GT face à la 720S. Le déficit est perceptible (à défaut d’être quantifié) sur un tour chrono, mais moindre en ligne droite, et encore moins prononcé en sensations de conduite. Ce sont les concessions qu’il a fallu faire aux aspects pratiques et au confort.

Le compromis semble judicieux. Non, la rôtisserie McLaren ne s’est pas mise à la cuisine asiatique. C’est juste que maintenant, en plus du boeuf, la carte propose aussi de l’agneau.

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