La nouvelle Toyota Supra est enfin parmi nous

Et ça valait le coup d’attendre

Paul HORRELL • Niels de GEYER
Publié le : 14 janvier 2019

Enfin, la Supra a fini par sortir de son trou. Ou, pour employer son appellation officielle (sans doute pour la première et la dernière fois), la Toyota GR Supra. C’est-à-dire la Supra de série, si, si, c’est vraiment elle. Rassurez-vous, elle va encore se faire désirer un peu puisqu’elle n’arrivera pas sur nos routes avant la fin de l’été.

Regardez comme elle prend la pose maintenant qu’elle se sait officiellement observée sous toutes les coutures par la planète entière. Elle est basse, large, ramassée, c’est une biplace campée sur un empattement court au profit de l’agilité, avec un six-cylindres en ligne idéalement équilibré sous son long capot.

Les chiffres ont eux aussi été enfin jetés en pâture à la presse automobile mondiale. Le moteur développe 340 ch de 5 000 à 6 500 tr/min, et 494 Nm de 1 600 tr/min jusqu’à 4 500.

Côté transmission, on retrouve une automatique ZF à huit rapports, associée à un autobloquant. L’auto pèse moins de 1 500 kg sans conducteur.

Toyota revendique 4,3 s sur le 0 à 100 km/h (par la grâce d’un launch control). La vitesse de pointe est quant à elle bridée à 250 km/h.

Si ces chiffres sont tout à fait respectables, la précédente Supra, qui possédait une architecture très semblable, annonçait à peu près les mêmes en 1993. Il s’agissait à l’époque d’une voiture d’exception, qui accélérait plus fort qu’une Ferrari V8 contemporaine. Mais un quart de siècle a passé depuis, et la course à la puissance s’est poursuivie. Le positionnement de la nouvelle Supra est donc difficilement comparable à celui de l’ancienne.

Mais 340 ch, après tout, quel est le problème ? La Supra promet des performances similaires à celles d’une Porsche Cayman GTS, d’une Alpine A110, d’une BMW M2 Competition, d’une Jaguar F-Type V6. Autant de voitures qui, sur la départementale adéquate, vous mettent au moins autant la banane que n’importe quelle supercar.

Le design de la Supra a été confié à Nobuo Nakamura, qui répondait lui même à l’ingénieur en chef Tetsuya Tada. Tada, c’est Monsieur GT86. Autant dire qu’on peut lui faire confiance. Il décrit d’ailleurs la Supra comme la grande sœur de la GT86. Par l’esprit plus que par la taille puisque la Supra, biplace, se révèle plus compacte que la GT86 2+2.

« Tandis que Tada se chargeait du plaisir de conduite, ma mission était de créer une ligne charismatique », explique Nakamura, se réjouissant d’avoir pu « s’aventurer hors des sentiers battus » grâce à l’architecture de l’auto.

La Supra ne peut pourtant nier sa filiation avec de glorieuses ancêtres comme la 2000GT (les proportions, la découpe des surfaces vitrées) et la Supra A80 (les volumes, les optiques). Notez que les roues sont des 19 pouces.

À bord, la planche de bord est très horizontale, comme sur la GT86. C’est là qu’il faut bien aborder le sujet tabou. Les boutons, les écrans, l’affichage tête haute, la platine de climatisation et tout le reste sont clairement d’origine BMW, même si le combiné d’instrumentation adopte de beaux compteurs ronds plutôt que les polygones illisibles qui ont fleuri ces derniers temps à Munich.

On ne vous apprend rien, la Supra est issue d’un partenariat avec BMW. Toyota ne s’est d’ailleurs pas donné la peine de cacher la références du moteur, B58B30M1, la même que sur le Z4 M40i. Idem pour la boîte ZF 8HP51, toute la suspension et la plate-forme. Presque tout là-dessous a commencé sa vie sous blason BMW.

Et après ? Si vous aviez envisagé de concevoir une Supra à partir d’une feuille blanche, qu’auriez-vous fait différemment ? Un six-cylindres en ligne 3.0 biturbo, une transmission aux roues arrière, un autobloquant, un vrai châssis de voiture de sport, et une carrosserie galbée à souhait pour emballer tout ça. Je pourrais aussi bien être en train de parler de la Supra de 1993 que de celle-là.

Et même si les deux autos seront construites sur la même chaîne – pas par BMW ni Toyota mais chez l’autrichien Steyr –, on est très loin d’une paire de clones comme les Toyota GT86 et Subaru BRZ. D’autant que la BMWest un roadster tandis que la Supra est un coupé.

Il est plus difficile de prédire quelles seront les différences au volant. Mais là encore, on peut difficilement rêver meilleure base que le Z4. Si l’on en croit Tada, sa voiture sera réglée un peu plus joueuse. L’extrême rigidité de la structure – supérieure à celle de feu la LFA – lui laissera toute liberté.

Comme dans toute voiture moderne, certains choix seront laissés au conducteur. Une touche Sport modifie la cartographie de l’accélérateur, la note d’échappement, la consistance de la direction, le contrôle électronique du différentiel actif, et le réglage de l’amortissement piloté. L’ESP offre quant à lui un réglage intermédiaire ‘Track’.

Le mot ‘circuit’ est d’ailleurs omniprésent dans le discours de Toyota. N’oublions pas que GR désigne « Gazoo Racing », le département compétition qui a remporté cette année aussi bien les 24 Heures du Mans que le Championnat du monde des rallyes, et qui prépare aussi désormais des voitures de route. La Supra s’engagera en compétition, ils ont largement eu le temps pour évoquer le sujet.

La présentation du concept FT-1 remonte déjà à cinq ans. Ensuite, nous avons eu la délirante Toyota GR Supra Racing Concept en mars 2018. Nous avons découvert le BMW Z4 à l’été 2018 et l’avons conduit en octobre. Nous avons conduit le prototype de la Supra dans son camouflage psychédélique. Puis vu les photos de la version qui courra au Japon en Super GT. Puis des fuites plus ou moins nettes de la Supra de route définitive. L’attente a été éprouvante. Mais mieux vaut tard que jamais. Je dirais même plus, mieux vaut tardif et réussi que ponctuel et médiocre.

Il a fallu longtemps à Toyota et BMW pour se mettre d’accord sur la répartition des tâches. Nous savions que depuis 2012, les deux constructeurs travaillaient de concert dans plusieurs domaines dont les batteries, la pile à combustible ou, tiens, tiens, une voiture de sport.

Jusqu’à fin 2014, les deux camps se sont regardés dans le blanc des yeux au lieu de s’atteler à développer concrètement une auto, m’a-t-on dit. Chacun voulait quelque chose de différent, ce qui n’est pas plus mal puisque BMW a ainsi pu perpétuer sa lignée de roadsters et Toyota ressusciter son coupé.

À vrai dire, pendant longtemps, ils ne furent même pas sûrs de pouvoir se permettre de les construire, ni l’une, ni l’autre. Hors SUV, pas facile d’exister dans le monde automobile actuel, même pour des voitures aussi légitimes et désirables que ces deux-là.

Quoi qu’on pense de la consanguinité de la Supra avec le Z4, le fait est qu’elle n‘aurait pas existé sans cela. Ni le Z4, selon toute vraisemblance. Elles diffèrent par leur ligne, par leur héritage, et il est fort probable que leur conduite ait une saveur bien distincte.

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