1000 ch, 900 kg, 15 000 tr/min : la RB17 d’Adrian Newey est là

Une voiture conçue pour tourner aussi vite qu'une F1... mais avec de la place pour deux.

Jason BARLOW
Publié le : 12 juillet 2024

Tout s’explique : l’Aston Martin Valkyrie n’était en fait qu’un brouillon. La RB17 est le nouveau bébé d’Adrian Newey, une hypercar réservée à la piste dans laquelle il a concentré tout son savoir-faire. Elle est animée par un V10 4,5 l Cosworth de 1 000 ch ruptant à 15 000 tours… et secondé par un moteur électrique de 200 ch. Son nom ? Quand la planète s’est arrêtée de tourner lors de la pandémie de 2020, Red Bull a annulé une F1 qui aurait dû s’appeler RB17. Ce matricule a désormais trouvé un support.

Un support qui pèsera moins de 900 kg… Malgré ce poids plume, la RB17 est une machine imposante : plus de 5 m de long et 2 m de large, et des formes complexes où l’on trouve autant de vide que de carrosserie. On visualise sans effort l’air canalisé de part et d’autre de la carlingue vers les tunnels du plancher pour déboucher sous le monstrueux diffuseur arrière. Comme sur une GMA T50, on trouve là-dessous deux ventilateurs pour accélérer les flux d’air.

Contrairement à la Valkyrie, qui devait être capable d’affronter la route, la radicalité assumée de la RB17 a permis à son créateur de laisser libre cours à son obsession pour la performance. L’idée est d’arriver à rouler dans les temps d’une F1 et d’offrir une expérience de pilotage à l’avenant sur les plus mythiques circuits du monde tels Silverstone, Spa ou Suzuka. Avec de place pour deux, parce que plus on est de fous…

Cette voiture ne débarque pas de nulle part. Vous vous rappelez la Red Bull X1, dessinée par Newey pour Gran Turismo 5 et 6 dès 2010 ? Même si elle était complètement virtuelle, c’était le premier germe. Depuis, l’idée de la faire « pour de vrai » lui a toujours trotté dans la tête. C’est en 2019 qu’elle a commencé à se concrétiser. Pendant les vacances de Noël, plus précisément. Frustré par le manque de neige là où Newey était parti skier, il a commencé à dessiner une hypercar. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, l’esthétique a toujours figuré en bonne place dans le cahier des charges. « Je suis de l’avis que les voitures de ce niveau devraient être quelque chose qu’on envisage comme une œuvre d’art, une sculpture », explique-t-il.

« Ma carrière a toujours été orientée vers la performance, donc lorsqu’on aborde l’aérodynamique, on choisit forcément ce qui rend la voitue plus rapide. Mais avec ceci, nous voulions un produit plus harmonieux en termes d’allure, de son et d’expérience de conduite. L’intention, c’est par là que tout commence. Et il s’agissait de créer une voiture capable d’offrir des chronos de F1, mais en même temps d’être accessible, pour deux personnes. »

Newey tenait absolument à cette configuration biplace. « Je fais des track days de temps en temps et c’est toujours agréable de pouvoir proposer des baptêmes en passager. Avec cette voiture, on a une bonne visibilité, et le siège passager est légèrement décalé. Cela a du sens, et c’est une solution élégante. Le cockpit plus large a des conséquences sur la masse et l’aéro, mais c’est une pénalité qu’il m’a semblé que nous devions accepter. » Il y a même de la place pour les bagages devant, et pour une paire de casques derrière le cockpit.

La structure est en composite de carbone dernier cri, sans surprise. Elle repose sur une suspension active, interdite en F1 depuis 1994 mais décisive dans les capacités de la RB17 grâce à la précision avec laquelle elle permet de contrôler le comportement de la voiture. La rigidité structurelle a été optimisée en conséquence. C’est-à-dire qu’ils auraient pu faire une monocoque encore plus rigide, mais la RB17 n’en aurait pas été plus véloce, tout en risquant d’être plus lourde. Les objectifs ont été atteints, point.

Pour autant, la sécurité a été une autre priorité dans sa conception. Ainsi, pas question de pousser trop loin d’effet de sol et de risquer de voir la voiture s’envoler à comme une Mercedes CLR dans les Hunaudières. Réciproquement, si le travail sur l’esthétique faisait perdre de l’appui, les aérodynamiciens pouvaient suggérer des moyens d’en regagner. Ce n’est pas le genre de process qui a cours en F1. La RB17 est donc plus jolie qu’elle aurait pu l’être.

La suspension active est également cruciale pour pouvoir envisager de dompter la bête sans s’appeler Max Verstappen, de concert avec un contrôle de motricité aux petits oignons via divers modes de conduite (la partie logicielle est encore en cours de finalisation) et bien sûr une aéro active elle aussi.

La RB17 promet 1 700 kg d’appui à 240 km/h. Pour ce faire, le plancher a un rôle plus important qu’en F1 puisqu’il n’est plus ici soumis à aucune réglementation. Quid des pneus, qui risquent alors de devenir le facteur limitant avec de telles forces à l’œuvre ? Red Bull travaille aec Michelin sur trois composés distincts : un « confidentiel », un peu pointu mais à très fort grip, un slick standard qui autorise un peu plus d’angle et se montre moins sensible à la température, et un pneu sculpté.

La boîte est conçue et assemblée en interne, même si la pignonnerie est signée Xtrac. Les temps de passage seront rapides mais moins instantanés qu’en F1 pour éviter d’être trop brutaux. Une boîte à double embrayage aurait été trop lourde. Le moteur électrique tient lieu de première et de marche arrière. Il facilite les manœuvres tout en offrant un bonus de 200 ch à la demande.

Newey a aussi tiré des leçons de la Valkyrie. Le V10 est ainsi semi-porteur, et non plus monté à même le châssis comme le V12 de l’Aston. Même si la RB17 n’est soumise ni à l’homologation routière ni à la réglementation d’un quelconque championnat, elle doit respecter des normes sonores pour pouvoir tourner sur un maximum de circuits. Elle ne dépassera donc pas 105 db. Pour autant, Newey promet une bande-son dantesque inspirée de sa McLaren MP/15 de 2000, dont le V10 Mercedes produisait selon lui l’un des plus beaux sons de l’histoire de la F1. On ne va pas le contredire, c’est plus réjouissant qu’un V6 1,6 l turbo hybride.

La direction est 100 % hydraulique et très proche dans l’esprit de celle d’une F1. Le cockpit n’est pas encore finalisé même si la configuration des sièges a été actée très vite. Newey ne voulait pas « un habitacle spartiate de voiture de course » et priviliégie « des boutons physiques, assurément, surtout sur une voiture de ce niveau de performances. »

Les protos feront leurs premiers tours de roues à l’été 2025. La production sera limitée à 50 voitures, toutes produites sur le campus Red Bull de Milton Keynes avec des méthodes très proches de celles appliquées à une monoplace de F1. Comptez 5 millions de livres pièce, soit environ 6 millions d’euros.

Certains feront la fine bouche, rappelleront que Ferrari propose déjà son programme XX avec désormais en point d’orgue une version track day de la 499P deux fois victorieuse aux 24 Heures du Mans. Sans parler des hyperpistardes Brabham, Bugatti, Gordon Murray, Lamborghini ou McLaren, moins radicales malgré tout. D’autres diront que les ultrariches à ce point accros au pilotage préfèreront investir dans les anciennes.

Mais la RB17 existe dans sa propre dimension, à partir d’une feuille blanche, et c’est la créature de l’un des ingénieurs les plus influents de l’histoire du sport automobile. « C’est un niveau au-dessus, plusieurs niveaux même, de la Valkyrie en termes de performances », confirme l’intéressé. Les choses sérieuses ont commencé.

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